Les commissions intégrées restent
Après toutes ces années de consultations… Souffrant à l’origine d’un biais réglementaire défavorable, les commissions de suivi vont finalement demeurer associées à l’industrie des fonds d’investissement. Sauf si le produit est offert par des courtiers exécutants. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont rendu leur décision jeudi. Pierre angulaire d’une vaste consultation publique lancée en 2012, les commissions intégrées associées aux produits offerts par des organismes de placement collectif (OPC) vont finalement demeurer, à l’exception de ceux vendus par les courtiers exécutants, et ce, selon une logique qui va de soi.
« Les courtiers exécutants se bornent principalement à exécuter des ordres et ne font pas de recommandations en matière d’investissement. Bien que les services offerts par les courtiers exécutants soient limités, avec peu d’exceptions, ceux-ci reçoivent habituellement les mêmes commissions de suivi que les courtiers de plein exercice. On se retrouve ainsi avec des investisseurs indépendants qui détiennent des titres d’OPC acquis par l’intermédiaire de courtiers exécutants, mais paient des conseils qu’ils n’ont pas reçus ni sollicités », concluent les ACVM.
Ces commissions de suivi, qui oscillent autour de 0,78%, sont intégrées aux frais de gestion du fonds d’investissement et sont versées au courtier ou au conseiller en rémunération des services- conseils qu’il prodigue au fil du temps. Le versement est régulier et couvre généralement la période de détention des parts du fonds.
Cela dit, il y a recul par rapport au biais réglementaire originel. Les ACVM évoquaient des « éléments probants » pour soutenir, d’entrée de jeu, que « le paiement de commissions intégrées soulève des enjeux de protection des investisseurs et d’efficience du marché, ce qui
On s’est inspirés de l’expérience vécue dans les pays comme le Royaume-Uni, l’Australie, les Pays-Bas et l’Afrique du Sud
donne à penser qu’il y a lieu d’envisager une transition vers des mécanismes de rémunération directe dans le cadre duquel l’investisseur verse directement au courtier sa rémunération ».
Elles soulevaient trois principales préoccupations :
Ces commissions donnent lieu à des conflits d’intérêts qui entraînent un décalage entre les intérêts des gestionnaires de fonds, des courtiers et des représentants et ceux des investisseurs;
elles ne concordent généralement pas avec les services fournis aux investisseurs ;
au demeurant, il est craint qu’elles incitent le conseiller à recommander le fonds lui versant le plus haut taux de commission plutôt que celui offrant le meilleur rendement selon les objectifs de placement du client.
Investisseur moyen
Mais il semble que l’argumentaire des partisans du statu quo ait été retenu. Pour un, l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) jouait la carte de l’investisseur moyen, qui verrait ainsi son accès au conseil financier réduit. D’autant qu’avec l’idée de payer une rémunération directe, à l’acquisition, les plus petits « pourraient refuser de payer des frais plus élevés pour des conseils ; et même s’ils acceptent, ils pourraient avoir du mal à trouver un représentant prêt à fournir des services pour des comptes de petite envergure », ajoutait l’IFIC.
On s’est inspirés de l’expérience vécue dans les pays comme le RoyaumeUni, l’Australie, les Pays-Bas et l’Afrique du Sud. Là-bas, avec l’aboli- tion des commissions de suivi, le petit investisseur a vu son accès au conseil financier réduit, voire fermé ou devenir hors de prix. « L’approche par honoraires favorise les plus gros comptes. Au Royaume-Uni, les firmes ont rehaussé le solde minimal requis dans les comptes », a-t- on souligné.
L’IFIC a déjà écrit que 79% des ménages canadiens détenant des placements entrent dans la catégorie des petits investisseurs. Et que 90% des porteurs de parts de fonds communs canadiens investissent par l’intermédiaire d’un représentant. L’organisation a également cité une étude de Cirano indiquant que, comparativement aux investisseurs solitaires, ceux qui font appel à des représentants en services financiers voient leur épargne fructifier 2,9 fois plus rapidement après sept ans, et 3,9 fois plus lorsqu’ils continuent d’avoir recours à leurs services pendant quinze ans.
Conflits d’intérêts
Les ACVM ont accompagné cette décision d’une obligation plutôt vague visant à rehausser les règles et les indications afin d’atténuer les conflits d’intérêts pour les courtiers et leurs représentants. Tous les conflits d’intérêts existants et raisonnablement prévisibles, y compris ceux découlant du paiement de commissions intégrées, doivent être réglés au mieux des intérêts des clients ou évités.
Et l’on revient sur un autre enjeu en interdisant toutes les formes d’options de frais d’acquisition reportés. Auparavant, avec cette option des frais d’acquisition reportés, l’investisseur ne paie pas de frais d’acquisition lorsqu’il souscrit des titres du fonds, mais peut avoir à payer des frais de rachat au gestionnaire s’il rachète ses titres avant la fin d’un délai déterminé, qui est habituellement de cinq à sept ans, ont expliqué les ACVM.