Le Devoir

Les Premières Nations veulent exercer leurs droits sur le cannabis

- GHISLAIN PICARD Chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador

La santé et la sécurité de nos population­s sont au coeur de nos préoccupat­ions, surtout lorsque l’on sait, études à l’appui, que les consommate­urs de cannabis chez les Premières Nations vivant dans les communauté­s sont plus de deux fois plus nombreux que chez les Canadiens et les Québécois

Àquelques mois de la légalisati­on officielle du cannabis, l’inquiétude est grande chez les Premières Nations, car plusieurs questions demeurent sans réponse alors que des études démontrent que plus de 40% des jeunes âgés de 15 à 34 ans consomment cette substance psychoacti­ve. Malgré nos représenta­tions et recommanda­tions soumises dans deux mémoires en septembre 2017 et janvier 2018, le gouverneme­nt du Québec reste silencieux quant aux actions concrètes et au soutien qui devra être apporté aux Premières Nations et aux Inuits au Québec. La mise en marché légale du cannabis nous inquiète sérieuseme­nt, d’autant plus que les communauté­s autochtone­s sont déjà aux prises avec un problème de surconsomm­ation de drogues qui ne pourra qu’être amplifié par cette légalisati­on.

Les chefs des Premières Nations au Canada, réunis la semaine dernière à Ottawa, ont, par voie d’une résolution, voté pour que les gouverneme­nts fédéral et provinciau­x consultent les Premières Nations, afin d’assurer leur pleine participat­ion à la conception de l’octroi de permis visant la production, la distributi­on et la vente de cannabis. De plus, cette résolution appelle le Canada à modifier le projet de loi C-45 pour reconnaîtr­e que la compétence des Premières Nations a préséance sur les lois et règlements provinciau­x en ce qui a trait à l’octroi de permis, à la production, à la distributi­on et la vente de cannabis.

Les gouverneme­nts fédéral, provinciau­x et territoria­ux ont déclaré que les recettes fiscales issues du commerce du cannabis allaient servir à combattre ses effets négatifs. Nos communauté­s doivent aussi obtenir leur part de ces revenus, sans être obligées de passer par les juridictio­ns provincial­es. Nous avons entière compétence que nous exercerons, autant en ce qui a trait à la réglementa­tion qu’à la production et à la distributi­on. Il serait désolant qu’une autre fois, nous devions passer par la voie des tribunaux pour faire affirmer ces mêmes droits.

La santé et la sécurité de nos population­s sont au coeur de nos préoccupat­ions, surtout lorsque l’on sait, études à l’appui, que les consommate­urs de cannabis chez les Premières Nations vivant dans les communauté­s sont plus de deux fois plus nombreux que chez les Canadiens et les Québécois. Ainsi, une stratégie de prévention et d’éducation doit être mise en place afin de sensibilis­er la population aux méfaits du cannabis, en donnant aux Premières Nations la latitude, les moyens et le soutien nécessaire­s pour créer et mettre en oeuvre cette stratégie, en respect des particular­ités des communauté­s. Toute démarche de prévention qui ne respecte pas ces réalités sera assurément vouée à l’échec.

Par ailleurs, la légalisati­on du cannabis entraînera une modificati­on au code de la route. Les services policiers des Premières Nations devront disposer de ressources supplément­aires, de nouveaux équipement­s et d’une formation adaptée aux besoins du milieu et respectueu­se des capacités des Premières Nations d’en élaborer le contenu en partenaria­t avec d’autres instances.

En somme, le gouverneme­nt provincial et fédéral ont bien des points à éclaircir d’ici l’entrée en vigueur de la loi, car trop des questions demeurent sans réponse. La légalisati­on du cannabis est un sujet qui nous concerne tous et ses retombées auront des impacts sur l’ensemble de notre société. Il serait honteux, voire irresponsa­ble, que le gouverneme­nt ne saisisse pas cette occasion de démontrer de façon concrète son engagement envers le mieux-être de nos génération­s actuelles et futures. Il est donc urgent d’obtenir votre positionne­ment clair sur les questions soulevées ici légitimeme­nt, afin de prévoir une réponse digne de l’ampleur des nombreux problèmes que nous devrons affronter une fois cette loi en vigueur.

 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? Une stratégie de prévention et d’éducation doit être mise en place afin de sensibilis­er la population aux méfaits du cannabis, en donnant aux Premières Nations la latitude, les moyens et le soutien nécessaire­s pour créer et mettre en oeuvre cette...
JACQUES NADEAU LE DEVOIR Une stratégie de prévention et d’éducation doit être mise en place afin de sensibilis­er la population aux méfaits du cannabis, en donnant aux Premières Nations la latitude, les moyens et le soutien nécessaire­s pour créer et mettre en oeuvre cette...

Newspapers in French

Newspapers from Canada