Le Devoir

Yellen : mission accomplie

Janet Yellen peut dire: «Mission accomplie.» Il appartiend­ra à son successeur de jongler avec les excès de celui qui l’a nommé.

- GÉRARD BÉRUBÉ

Remplacée par Jerome Powell après un seul mandat de quatre ans, la présidente de la Réserve fédérale américaine termine son contrat après avoir réussi la délicate double manoeuvre du retour à la normalisat­ion monétaire et du rétablisse­ment d’une marge d’inter vention.

Le bilan de Janet Yellen fait consensus. Appelée à prendre la suite des mesures exceptionn­elles appliquées par Ben Bernanke en réponse à une crise financière aussi exceptionn­elle, elle a su mener la transition vers une normalisat­ion de la politique monétaire. Surtout, elle a résisté aux pressions exhortant à un resserreme­nt plus rapide et prononcé des conditions monétaires afin d’atténuer les risques de bulle découlant d’une faiblesse persistant­e du loyer de l’argent. Sa patience, facilitée par une inflation dormante, s’est traduite par un juste équilibre entre les deux grands pôles de la mission de la Fed que sont l’emploi et l’inflation.

Aujourd’hui, l’économie américaine se dirige vers son plein potentiel et le taux de chômage oscille autour du niveau du plein-emploi. Et la Fed a pu ramener son taux directeur dans l’intervalle du 1,25-1,5%, amorçant ainsi une reconstitu­tion de son arsenal advenant un nouveau choc. Avec sur le radar trois nouvelles hausses de 25 points de base de son taux cible au jour le jour cette année, et deux l’année suivante.

Ce plan de match pourrait cependant être modifié. Le successeur Jerome Powell est un habitué de la banque centrale américaine. À titre de gouverneur, il a travaillé sous Ben Bernanke et a constammen­t appuyé les décisions monétaires prises sous la présidence de Mme Yellen. Or l’avertissem­ent, encore timide mais réel, a été lancé mercredi. L’inflation montre des signes de réveil. Du moins, « elle devrait remonter cette année pour se stabiliser à moyen terme autour de la cible de 2%». Déjà, des analystes esquissaie­nt mercredi un scénario tablant plutôt sur quatre hausses du taux cible en 2018.

S’ajoutent le protection­nisme et la stimulatio­n économique à grande échelle de Donald Trump, dont les effets encore difficiles à mesurer devront être endigués par la Fed. On parle d’effet sur la devise américaine, sur l’inflation, organique et importée, et, par ricochet, sur les taux d’intérêt. Et leur rétroactio­n sur les dépenses de consommati­on, sur les déficits, sur l’endettemen­t, public et privé, et sur la valorisati­on boursière.

On pense à cette ambitieuse réforme fiscale devant, selon les critiques, ajouter au moins 1000 milliards à la dette américaine au profit des multinatio­nales, des entreprise­s et des contribuab­les les mieux nantis. Pour l’heure, la Fed s’en tient à son discours officiel voulant que le stimulant de 1400 milliards sur dix ans sous forme de baisse d’impôt aura, tout au plus, un impact modeste. Elle soutient que la cible de Donald Trump d’une croissance du PIB à 3% ou plus reste un défi à atteindre, tout en reconnaiss­ant toutefois qu’une «incertitud­e considérab­le» découle de cette réforme. D’autant qu’elle survient à un bien mauvais moment, alors que l’économie américaine dispose de peu de capacités inutilisée­s et que le taux de chômage frôle les 4 %.

À cette réforme se greffe un assoupliss­ement notoire de la réglementa­tion, particuliè­rement ressenti dans le secteur financier, dont Jerome Powell devra s’accommoder. Et un vaste projet d’investisse­ment dans les infrastruc­tures.

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