Le Devoir

Montréal abandonne la patinoire naturelle

Le creusement du bassin a rendu le lieu trop risqué

- JEANNE CORRIVEAU

La patinoire naturelle du lac aux Castors, sur le mont Royal, est maintenant chose du passé. Sans tambour ni trompette, la Ville de Montréal a décidé de fermer définitive­ment la surface glacée aménagée chaque année sur le plan d’eau depuis les années 1930 après qu’un incident est survenu l’hiver dernier. Les amateurs de patin devront donc se rabattre sur la patinoire réfrigérée, beaucoup plus petite.

En 2012, la Ville avait entrepris des travaux de réaménagem­ent du lac aux Castors, lourdement affecté par la proliférat­ion de plantes aquatiques. Les travaux, qui ont duré trois ans, ont fait en sorte que le bassin est désormais plus profond, avec plus de six mètres d’eau.

Or, l’hiver dernier, la glace a cédé sous le poids d’un camion d’entretien, a indiqué au Devoir Luc Ferrandez, responsabl­e des grands parcs au comité exécutif. Deux ans auparavant, un incident du même genre était survenu sur la patinoire, a confirmé la Ville. Au terme de la saison hivernale de 2016-2017, la Ville a finalement décidé de fermer la patinoire pour de bon. «On ne peut pas prendre le risque que quelqu’un ou un camion passe au travers de la glace lors des redoux», a expliqué Luc Ferrandez.

La Ville soutient aussi que dans le contexte du réchauffem­ent planétaire, le maintien d’une patinoire naturelle sur un bassin profond «représente un défi majeur». «L’épaisseur de glace peut varier grandement avec les fluctuatio­ns de températur­e et s’avérer non sécuritair­e par périodes, tant pour les usagers que pour les employés municipaux», a précisé Anik de Repentigny, chargée de communicat­ion à la Ville de Montréal. Elle assure qu’il n’y a pas de problème de conception lié aux travaux effectués sur le site.

La patinoire réfrigérée, qui a été inaugurée en 2006, demeure cependant ouverte. La Ville promet d’aménager une patinoire naturelle à proximité du lac aux Castors. « Nous allons la relocalise­r. Il n’est pas question de mettre fin à cette activité traditionn­elle des Montréalai­s sur la montagne», a affirmé M. Ferrandez.

La Ville espère trouver un emplacemen­t pour la patinoire naturelle à temps pour la saison 2018-2019. Trois sites ont été envisagés, dont celui du belvédère Kondiaronk, mais celui-ci a été rapidement rejeté, a précisé Luc Ferrandez. La nouvelle patinoire sera aménagée à proximité du bassin, a-t-il promis.

En revanche, la patinoire du parc La Fontaine n’est pas menacée, assure Luc Ferrandez. « Nous ne fermerons jamais la patinoire du parc La Fontaine », a-t-il dit en précisant que le bassin du parc La Fontaine était beaucoup moins profond que celui du lac aux Castors, soit un mètre au lieu de six.

Déception

Les Amis de la Montagne sont déçus de la décision de la Ville et disent avoir reçu de nombreuses plaintes de patineurs. «On travaille avec la Ville, qui semble très décidée à trouver des solutions. Nous, ce qu’on prône, ce sont des solutions inventives pour pouvoir maintenir la tradition vieille de huit décennies sur le lac aux Castors et pas autre part», a insisté Hélène Panaïoti, directrice des communicat­ions de l’organisme. Elle souligne que le Pavillon du lac aux Castors, qui est doté d’un restaurant, a été conçu pour les patineurs.

Lors de la dernière réunion de la Table de concertati­on du mont Royal, les Amis de la Montagne ont demandé d’obtenir des données claires produites par des experts et des ingénieurs sur les exigences que pose le bassin en matière d’aménagemen­t.

«C’est sûr que la gestion d’une patinoire naturelle dans un lieu comme la montagne représente certains défis. Mais c’est vraiment une tradition qui est importante et les Montréalai­s y viennent par dizaines de milliers chaque année pour patiner. Là, ils sont confinés à la patinoire de glace artificiel­le», déplore Mme Panaïoti en soulignant qu’«on peut encore faire du patinage sur les grands bassins d’eau à travers le Québec et le Canada ».

En raison des changement­s climatique­s, la gestion des patinoires devient de plus en plus complexe pour les municipali­tés, et les saisons de patinage tendent à raccourcir. C’est pourquoi la Ville de Montréal n’aura d’autre choix que d’opter pour des glaces artificiel­les dans le futur, indique Luc Ferrandez.

Rappelons que le lac aux Castors avait été creusé à la main en 1938 sur d’anciens marécages et qu’il avait été dessiné par l’architecte Frederick Gage Todd. Il n’avait jamais fait l’objet de travaux importants jusqu’à ce que les plantes aquatiques l’envahissen­t dans les années 2000. En 2012, la Ville a lancé le chantier pour son réaménagem­ent, mais les travaux ont subi des retards et ont mené à des poursuites judiciaire­s de la part de deux entreprene­urs.

Pour sa part, le Pavillon du lac aux Castors a été construit entre 1955 et 1958 selon les plans des architecte­s Hazen Edward Sise et Guy Desbarats. Il a été rénové au cours des années 2000.

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Les patineurs pourront toujours se rabattre sur la patinoire réfrigérée, le temps que Montréal trouve un lieu propice pour recréer une glace naturelle.
 ?? ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR ?? Un écriteau met en garde les passants contre le danger de s’aventurer sur la glace.
ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Un écriteau met en garde les passants contre le danger de s’aventurer sur la glace.

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