Le Devoir

Une batterie inspirée des anguilles électrique­s

- FABIEN GOUBET

Pour répondre au besoin croissant de batteries compatible­s avec le corps humain, une équipe américano-suisse a mis au point un prototype de batterie dont le fonctionne­ment mime celui de certaines cellules électrique­s présentes chez les anguilles.

Des chercheurs de l’Institut Adolphe Merkle à Fribourg ont mis au point, en collaborat­ion avec des scientifiq­ues américains, un prototype de batterie biologique dont le fonctionne­ment est inspiré des anguilles électrique­s. Leurs travaux viennent d’être publiés dans la revue Nature.

Cela fait longtemps que de nombreuses équipes tentent de concevoir des instrument­s électroniq­ues implantabl­es dans le corps humain. Capteurs de glycémie, de pression artérielle, muscles artificiel­s, prothèses robotisées… tous ces outils futuristes se heurtent à un même obstacle: celui des batteries, qu’il faut concevoir comme autonomes. Ainsi faites, elles puiseraien­t l’énergie du corps humain, ce qui éviterait d’avoir à les recharger et d’entraîner une opération chirurgica­le par la même occasion, comme c’est le cas pour les simulateur­s cardiaques.

Une anguille, 600 volts

Et comme souvent, c’est du côté de la nature que les scientifiq­ues ont trouvé l’inspiratio­n. Les anguilles électrique­s sont en effet dotées d’électrocyt­es, des cellules capables de générer des courants électrique­s par un jeu de transfert d’ions positifs et négatifs entre les milieux intérieur et extérieur. Pris individuel­lement, ces courants sont infimes, mais produits de manière synchrone, ils peuvent atteindre en tout une tension de 600 volts pour une puissance de 100 watts.

Les chercheurs ont donc tenté de reproduire cette curiosité de la nature. Leur batterie aligne des milliers de petits compartime­nts générateur­s d’électricit­é, comme autant d’électrocyt­es. Le principe repose sur l’électrodia­lyse inverse, méthode éprouvée qui consiste à créer des courants ioniques entre un compartime­nt d’eau salée et un compartime­nt d’eau douce séparés par une membrane laissant préférenti­ellement passer les ions positifs ou négatifs de l’eau salée vers l’eau douce. Comme chez l’anguille, ces petits compartime­nts sont juxtaposés un grand nombre de fois pour obtenir un courant final significat­if, de l’ordre de 110 volts.

Améliorer les performanc­es

Pour l’instant, cette batterie façon anguille est loin d’égaler le poisson survolté: les courants sont plus faibles, mais surtout, le prototype nécessite encore une alimentati­on électrique externe, alors qu’il suffit à l’anguille de se nourrir pour «recharger ses batteries».

« Les caractéris­tiques électrique­s de notre organe artificiel restent au moins mille fois plus basses que celles de l’anguille

», a précisé le professeur fribourgeo­is Michael Mayer, qui a dirigé ces travaux. «Il paraît possible d’améliorer la performanc­e d’un facteur dix avec de meilleures membranes, puis à nouveau d’un facteur dix avec une ingénierie plus efficace», a-t-il ajouté. Mais le plus important obstacle, prédit-il, sera de comprendre comment puiser efficaceme­nt l’énergie à différents endroits du corps. L’anguille peut dormir tranquille.

«Les caractéris­tiques électrique­s de notre organe artificiel restent au moins mille fois plus basses que celles de l’anguille Michael Mayer, professeur qui a dirigé ces travaux

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ISTOCK C’est du côté de la nature que les scientifiq­ues ont trouvé l’inspiratio­n. Les anguilles électrique­s sont dotées d’électrocyt­es, des cellules capables de générer des courants électrique­s par un jeu de transfert d’ions positifs et négatifs entre les...

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