Médias Québec aidera la presse écrite à coup de projets
Les principaux acteurs de l’industrie se réjouissent, mais ne crient pas à la panacée
L’aide déjà annoncée par Québec pour soutenir l’industrie de la presse écrite, qui vit de graves difficultés financières, se fera à coup de projets pour faciliter «la transition numérique des entreprises», a précisé lundi la ministre de la Culture et des Communications, Marie Montpetit. Et si les principaux acteurs du milieu se réjouissent, ils ajoutent que cet argent ne jugulera pas la fuite des revenus publicitaires aux mains des géants du Web.
Lors du précédent exercice budgétaire, en mars, Québec avait déjà annoncé un total de 36 millions de dollars sur cinq ans pour soulager la pression financière que subit la presse écrite, qui a perdu près de la moitié de ses employés depuis sept ans.
Les détails présentés lundi par Québec confirment une enveloppe de 19,2 millions qui servira à appuyer les médias «dans leur adaptation à l’environnement numérique », selon la ministre Montpetit.
L’investissement, qualifié d’«historique» par Québec, se déploiera en deux volets distincts. Le premier, plus large, permettra aux entreprises de presse écrite de dresser des bilans ou de mettre sur pied une stratégie numérique, par exemple. Le second, au coeur des enjeux, servira «à la réalisation de projets ou de stratégies numériques déjà documentées», dit le communiqué.
Les entreprises de presse (papier ou numériques) admissibles à ce second volet — selon une série de critères, dont la fréquence, la quantité et le type de contenu diffusé — ne pourront pas présenter un projet d’une valeur supérieure à 400 000$. Chaque entreprise de presse écrite ne pourra par ailleurs pas demander plus de 2,4 millions sur trois ans. Première date limite pour les dépôts : le 15 janvier 2018.
« L’évaluation des demandes est faite par le ministère. Celui-ci pourrait avoir recours à des expertises externes», précise le programme d’aide.
Dans son investissement de 36,4 millions, Québec a aussi prévu 5,2 millions de plus pour le programme d’aide aux médias communautaires, en plus de 400 000$ sur deux ans pour mettre sur pied un «laboratoire d’innovations». Le directeur général de l’Association des médias écrits communautaires du Québec (AMECQ), Yvan Noé Girouard, croit que les petits journaux vont en bénéficier, mais rappelle que le gouvernement a réduit de 15 000 $ le budget de l’AMECQ et des deux autres associations médiatiques communautaires.
L’État versera aussi 12 millions pour alléger la part payée parles médias à RecycleMédias. Ce montant« fera ainsi diminuer la contribution au financement de la collecte sélective exigée des journaux, ce qui libérera des montants pouvant être investis dans leur transformation numérique», a justifié Mme Montpetit.
Pas le pactole, mais un bon signal
« Ce n’est pas encore le pactole, c’est bien clair, c’est pas ça qui va faire qu’on va passer à travers, mais c’est un bon signal à recevoir, a commenté Claude Gagnon, p.-d.g. du Groupe Capitales Médias et coporteparole de la Coalition pour la pérennité de la presse d’information, qui regroupe quelque 180 journaux québécois. On
démontre [à Québec] qu’on se préoccupe de ça et qu’ils ont compris que pour la démocratie, c’est un élément vraiment important.»
Selon M. Gagnon, l’approche par projet est valable, même si le montant maximum de 400 000 $ est peu à ses yeux, considérant l’ampleur des investissements que demande le virage numérique. «Il faut produire toutes nos modifications d’ici quoi, quatre ou cinq ans, sans quoi on va perdre plusieurs joueurs », croit-il.
Du côté de la Fédération nationale des communications (FNC-CSN), on juge que l’annonce de Québec montre que l’État «comprend qu’il est de la responsabilité des gouvernements que l’information journalistique au Québec soit toujours bien en vie et en santé», explique la présidente de la FNC, Pascale Saint-Onge.
La FNC croit que les millions vont avoir «un effet sur la capacité des entreprises d’investir un petit peu plus d’un point de vue technologique», mais ils ne feront pas que les médias écrits pourront « maintenir les postes en embauche », dit Mme Saint-Onge.
Le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), Stéphane Giroux, veut d’ailleurs que «toute aide financière soit dirigée pour engager et maintenir des journalistes sur le terrain, et non pour que ça serve à acheter des gadgets haut de gamme pour des entreprises qui ont déjà de l’argent».
La FPJQ se félicite de l’investissement québécois pour la transition numérique, mais ajoute que ce n’est pas une panacée. «Tant que le fédéral n’interviendra pas pour baliser la fuite des dollars publicitaires qui s’en vont vers Google et Facebook, on ne sera pas plus avancés », dit Stéphane Giroux.
La ministre de la Culture et des Communications a souligné que la mise en place de ces programmes constitue « un premier pas». «Je pense que le fédéral aura son rôle à jouer également», a-t-elle laissé tomber.
Par ailleurs, Québec dit s’être assuré que l’indépendance des médias sera protégée dans l’octroi de l’aide financière par projet. Des normes rigoureuses ont été développées pour garantir que les programmes d’aide seront exempts de toute intervention politique, a insisté Mme Montpetit.