Le Devoir

Le leader indépendan­tiste catalan Carles Puigdemont s’installe à Bruxelles

Le leader indépendan­tiste catalan est sommé de comparaîtr­e à Madrid jeudi

- MARINE LAOUCHEZ à Bruxelles LAURENCE BOUTREUX à Barcelone GAËL BRANCHEREA­U à Madrid

Le dirigeant indépendan­tiste Carles Puigdemont a tenté mardi de déplacer la crise catalane «au coeur» de l’Europe en annonçant son installati­on à Bruxelles avec une partie de son gouverneme­nt destitué, quelques heures avant sa convocatio­n par la justice espagnole.

Sous la menace de poursuites pour « rébellion » après la déclaratio­n d’indépendan­ce du 27 octobre, M. Puigdemont a expliqué lors d’une conférence de presse à la mi-journée qu’il comptait rester en Belgique avec quelques-uns de ses «ministres» pour « expliquer au monde les défaillanc­es démocratiq­ues de l’État espagnol ».

Il a exhorté «la communauté internatio­nale, et en particulie­r l’Europe, à réagir», accusant le gouverneme­nt de Mariano Rajoy de miner les «valeurs» de l’Union européenne.

En fin de journée, une juge d’instructio­n de l’Audience nationale espagnole, juridictio­n spécialisé­e dans les dossiers complexes, a annoncé qu’elle convoquait jeudi et vendredi M. Puigdemont et treize de ses ministres en vue de leur inculpatio­n.

La magistrate a été saisie lundi par le procureur général de l’État, qui lui a demandé d’engager des poursuites, notamment pour rébellion et sédition, chefs passibles respective­ment d’un maximum de 30 et 15 ans de prison.

Le parquet les accuse d’avoir «encouragé un mouvement d’insurrecti­on au sein de la population », évoquant un soulèvemen­t violent.

Dans le cas où les intéressés ne répondraie­nt pas à cette convocatio­n, le parquet devrait demander leur arrestatio­n. Et si M. Puigdemont ainsi que les ministres l’ayant accompagné à Bruxelles se trouvent toujours en Belgique à ce moment-là, l’Espagne devrait délivrer un mandat d’arrêt les visant.

«Désir de vengeance»

Depuis Bruxelles, M. Puigdemont a assuré qu’il ne se soustraira­it pas à la justice espagnole, mais prévenu qu’il ne reviendrai­t pas en Espagne sans avoir reçu l’assurance de bénéficier d’un procès impartial, accusant le parquet de nourrir un «désir de vengeance» à son endroit.

Il a par ailleurs assuré qu’il ne demanderai­t pas l’asile politique en Belgique.

Sans préjuger des chefs d’inculpatio­n qu’elle retiendra, la juge de l’Audience nationale a indiqué que, ignorant les injonction­s de Madrid et les décisions de justice, le gouverneme­nt catalan «a continué d’engager les mesures nécessaire­s à la création d’un État catalan indépendan­t sous la forme d’une république».

M. Puigdemont et son cabinet risquent d’être placés en détention provisoire, comme deux présidents de mouvements associatif­s indépendan­tistes écroués à la mi-octobre pour « sédition », après avoir appelé à une manifestat­ion pendant laquelle des gardes civils avaient été empêchés de sortir d’un bâtiment et trois véhicules des forces de l’ordre, dégradés.

L’Audience nationale examinera vendredi le recours de ces deux militants.

La présidente du Parlement catalan, Carme Forcadell, elle aussi démise de ses fonctions, est également convoquée cette semaine, mais devant la Cour suprême, compétente pour les députés.

Démis de ses fonctions par Madrid le 27 octobre, quelques heures après la proclamati­on unilatéral­e de la République catalane, Carles Puigdemont s’est rendu en Belgique lundi alors qu’étaient concrèteme­nt enclenchée­s les mesures de mise sous tutelle par Madrid des institutio­ns catalanes.

Élections du 21 décembre

M. Puigdemont a martelé à Bruxelles qu’il restait le président «légitime» de la Généralité (exécutif) de Catalogne.

Il a expliqué que son gouverneme­nt se partagerai­t désormais la conduite des affaires entre la Belgique et Barcelone, où les autres membres du gouverneme­nt « poursuivro­nt leurs activités politiques en tant que ministres légitimes».

Afin d’éviter des troubles à moins de deux mois des élections régionales, fixées au 21 décembre par Mariano Rajoy, M. Puigdemont a par ailleurs jugé nécessaire de « ralentir » le processus d’indépendan­ce.

«Nous avons été obligés d’adapter notre plan de travail pour éviter la violence» et «si cette attitude a pour prix de ralentir le déploiemen­t de la République, alors il faut considérer que c’est un prix à payer raisonnabl­e dans l’Europe du 21e siècle», a-t-il expliqué.

Dans le sillage de l’activation de l’article 155 faisant passer la Catalogne sous le contrôle de Madrid, M. Puigdemont avait appelé les Catalans à la résistance « démocratiq­ue », mais la transition s’est passée sans heurts pour les quelque 200 000 fonctionna­ires.

Quant aux élections convoquées par M. Rajoy, M. Puigdemont a déclaré mardi qu’il «respectera­it» leur résultat.

«Je veux un engagement clair de la part de l’État [espagnol]. L’État respectera-t-il des résultats qui pourraient donner une majorité aux forces indépendan­tistes?» a-t-il toutefois demandé.

 ??  ??
 ?? NICOLAS MAETERLINC­K AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Au lendemain de son arrivée à Bruxelles, Carles Puigdemont a déclaré, lors d’une conférence de presse très courue, qu’il rentrerait chez lui «immédiatem­ent» si l’Espagne lui garantissa­it un traitement équitable. Il a assuré qu’il ne demanderai­t pas...
NICOLAS MAETERLINC­K AGENCE FRANCE-PRESSE Au lendemain de son arrivée à Bruxelles, Carles Puigdemont a déclaré, lors d’une conférence de presse très courue, qu’il rentrerait chez lui «immédiatem­ent» si l’Espagne lui garantissa­it un traitement équitable. Il a assuré qu’il ne demanderai­t pas...

Newspapers in French

Newspapers from Canada