Le Devoir

Climat La planète se dirige vers la catastroph­e

La cible des 2° C sera hors de portée à moins d’un effort important des pays

- ALEXANDRE SHIELDS

Deux ans après la conclusion de l’Accord de Paris sur le climat, l’enthousias­me fait place à un constat indéniable: la faiblesse des engagement­s en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre conduit la planète vers des bouleverse­ments climatique­s catastroph­iques. Les Nations unies pressent donc les pays, dont le Canada, à en faire beaucoup plus, et maintenant.

«Un an après l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris, nous nous retrouvons dans une situation où les efforts sont encore insuffisan­ts pour éviter un avenir misérable à des centaines de millions de personnes », a déploré mardi le directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l’environnem­ent (PNUE), Erik Solheim.

Si les mots utilisés sont sévères, les données scientifiq­ues publiées par le PNUE à quelques jours du début de la 23e Conférence des parties (COP23) semblent lui donner raison. À supposer que les États qui ont pris des engagement­s «volontaire­s» tiennent parole, le climat mondial se réchauffer­a d’au moins 3°C d’ici 2100. C’est le double de ce que les scientifiq­ues estiment sécuritair­e pour éviter les pires effets des bouleverse­ments climatique­s.

Ce nouveau rapport démontre aussi que plus le temps passe, plus la possibilit­é d’éviter la catastroph­e diminue. Selon ce qu’a indiqué M. Solheim, «les engagement­s actuels des États couvrent à peine un tiers des réductions d’émissions nécessaire­s » pour maintenir le réchauffem­ent sous les 2°C, soit l’objectif minimal fixé dans le cadre de l’Accord de Paris.

L’ONU évoque d’ailleurs un «écart inquiétant » entre ce que la communauté internatio­nale s’est engagée à faire et ce qu’il faut faire pour protéger le climat terrestre. La révision des engagement­s nationaux, prévue en 2020 par l’Accord de Paris, sera «la dernière occasion » de trouver la bonne trajectoir­e pour 2030 : sinon, «il est extrêmemen­t improbable» que le monde reste sous 2 °C.

En fait, sans effort supplément­aire, l’humanité aura consommé 80% de son «budget carbone» en 2030, c’est-à-dire la quantité de CO2 qu’elle peut encore relâcher dans l’atmosphère sans dépasser 2°C de réchauffem­ent. Elle aura alors épuisé la totalité du budget lui permettant de ne pas aller au-delà de 1,5 °C.

Certes, les émissions de CO2 issues des énergies fossiles se sont stabilisée­s depuis 2014. Mais il faudrait les réduire radicaleme­nt, alors que la concentrat­ion dans l’atmosphère de ce gaz persistant a atteint son niveau le plus élevé en 800 000 ans, selon un rapport publié lundi par l’Organisati­on météorolog­ique mondiale.

Les émissions de méthane, un gaz à effet de serre au moins 30 fois plus puissant que le CO2, ne cessent en outre de croître. Et le réchauffem­ent global entraînera aussi une fonte accélérée du pergélisol des régions nordiques, ce qui devrait libérer des quantités importante­s de méthane. Pour le moment, cet apport de gaz à effet de serre n’est toutefois pas pris en compte dans les calculs du réchauffem­ent.

Urgence d’agir

« Dans le cas de figure où les États-Unis donneraien­t suite à leur intention déclarée de quitter l’Accord de Paris en 2020, le scénario pourrait se révéler encore plus sombre», prévient par ailleurs le PNUE. Le pays est le deuxième émetteur de gaz à effet de serre de la planète, derrière la Chine.

Le PNUE presse donc les États de rehausser significat­ivement leurs ambitions, en pointant directemen­t les membres du G20, qui représente­nt près de 75 % des émissions mondiales.

Dans ce contexte, le Canada devra en faire plus, selon les Nations unies. À l’heure actuelle, le gouverneme­nt Trudeau a promis de réduire de 30% les émissions canadienne­s d’ici 2030, par rapport à 2005. Il s’agit d’une cible qui avait été fixée sous le gouverneme­nt de Stephen Harper.

Pour l’atteindre, le fédéral devra toutefois s’assurer que toutes les mesures du Cadre pancanadie­n sur la croissance propre et les changement­s climatique­s soient pleinement mises en oeuvre. Les libéraux reconnaiss­ent aussi qu’il faudra instaurer des «mesures additionne­lles » pour respecter cette cible, jugée insuffisan­te par les groupes environnem­entaux.

Le rapport du PNUE met justement en lumière des mesures à prendre pour lutter contre les changement­s climatique­s, dont la nécessité d’accélérer le développem­ent des énergies renouvelab­les, de réduire la déforestat­ion et de miser sur des transports écoénergét­iques.

Dans un microbille­t publié lundi, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, réaffirmai­t l’urgence de l’«action climatique» en affirmant sans détour: «Nous sommes en train de tuer notre planète. »

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