Quand les hommes font trembler la terre
L’activité minière, pétrolière et gazière, les barrages hydroélectriques et la fracturation hydraulique provoquent des centaines de tremblements de terre depuis des décennies. Explications.
L’Oklahoma est situé à près de 2000 kilomètres de la faille de San Andreas, en Californie. Et pourtant, les tremblements de terre y sont plus fréquents que dans cette zone sismique très active. Dans cet État situé au coeur du continent américain, ce n’est pas le mouvement des plaques tectoniques qui fait trembler la terre… c’est l’homme.
Depuis 2009, le sous-sol de l’Oklahoma est de plus en plus fragilisé par la fracturation hydraulique, c’est-à-dire l’injection de grandes quantités de liquides dans le sous-sol dans le cadre de l’exploitation pétrolière. Résultat: les séismes s’y comptent maintenant par centaines chaque année.
Le cas de l’Oklahoma n’est pas isolé. Le nombre de séismes provoqués par la fracturation hydraulique a augmenté en flèche au cours des dernières décennies. De fait, les activités humaines ont provoqué au moins 729 tremblements de terre au cours des 150 dernières années, selon une étude publiée mercredi dans la revue Seismological Research Letters. Et ce nombre serait largement sous-estimé, selon les auteurs de l’étude, puisque les séismes d’origine anthropique sont souvent de faible amplitude et n’ont pas nécessairement été répertoriés ou étudiés.
Les auteurs de l’étude, des chercheurs des universités Durham et Newcastle, au Royaume-Uni, ont compilé la littérature scientifique traitant des séismes induits par l’homme. Ils ont ainsi créé la plus grande base de données sur le sujet jusqu’à présent: HiQuake. La base de données, disponible en ligne, permet de tirer un portrait plus global de ces séismes artificiels.
Des séismes «artificiels»
Les premiers responsables de ces séismes artificiels, ce sont les mines, avec 37% des cas à l’étude. Au Canada, plusieurs séismes de faible magnitude ont été enregistrés autour du Grand Sudbury, la ville du nickel.
«En creusant des trous dans le sol, on crée des microfailles, explique Shaocheng Ji, chercheur spécialisé en tectonique et sismologie à la Polytechnique de Montréal. Sous le poids de la gravité et de pressions internes, des blocs de roches peuvent glisser les uns sur les autres le long de ces microfailles et provoquer des tremblements de terre.»
Au second rang, on trouve les barrages hydroélectriques, responsables de près du quart des séismes de l’étude. À titre d’exemple, le poids de l’eau du réservoir Manicouagan 3 aurait provoqué un séisme de magnitude 4 dans le nord du Québec en 1975.
Selon M. Ji, le niveau d’eau des réservoirs — et donc la pression exercée sur le soussol — varie beaucoup au cours d’une année. Cette fluctuation déstabilise les différentes couches de roche du sous-sol et peut réactiver d’anciennes failles géologiques.
«L’homme a une portée d’action limitée à la couche superficielle du sous-sol, rassure toutefois le chercheur. La magnitude des séismes naturels est d’une tout autre échelle, beaucoup plus destructrice.»
La plupart de ces séismes d’origine anthropique ont une magnitude variant entre 3 et 4 sur l’échelle de Richter. Ce sont des tremblements de terre légers, ne causant que très peu de dommages.
D’autres activités anthropiques peuvent également provoquer des tremblements de terre, dont l’exploitation pétrolière et gazière et la fracturation hydraulique, responsables de 10 à 15 % des cas observés.
La géothermie, les explosions nucléaires, l’extraction d’eau souterraine et certains projets de construction pourraient également provoquer des séismes, mais dans une moindre mesure.