Le Devoir

Les 50 ans de Salut Galarneau! célébrés au FIL

Le FIL présente une mise en lecture du roman de Jacques Godbout

- CAROLINE MONTPETIT

Bien avant d’écrire son roman Salut Galarneau!, Jacques Godbout, à 16 ans, a vendu des hot-dogs dans un restaurant à l’oratoire Saint-Joseph. C’est d’ailleurs là qu’il a perdu la foi, dit-il, en entrevue dans un café de Montréal, alors que le Festival internatio­nal de la littératur­e (FIL) s’apprête à célébrer les 50 ans de son roman en en proposant une mise en lecture d’Alexis Martin.

Jacques Godbout se souvient d’avoir constaté alors que la religion exploitait commercial­ement la crédulité des fidèles. Lui-même avoue qu’il négociait à la hausse le prix d’un café rehaussé d’une bénédictio­n…

François Galarneau, le héros éponyme du livre, c’est donc ce vendeur de hot-dogs décrocheur qui critique la société québécoise des années 1960, et qui finit, pour s’en protéger, par construire un mur autour de lui. Le livre est dédié à Maurice Nadeau, de Saint-Henri, et ça n’est pas pour rien. C’est en effet un Maurice Nadeau que Jacques Godbout a bien connu qui lui a inspiré le personnage de François Galarneau.

«François Galarneau, c’est en partie quelqu’un que j’ai connu», raconte-t-il en entrevue.

Jacques Godbout, qui est autant cinéaste qu’écrivain, tournait alors un documentai­re sur le quartier Saint-Henri et faisait face à l’opposition des commerçant­s du quartier. Maurice Nadeau faisait partie d’un groupe de jeunes qui avait défendu le projet de film.

Les deux hommes sont devenus amis, et ont refait le monde régulièrem­ent autour d’une bière: l’un, diplômé universita­ire, cinéaste à l’ONF, et l’autre, avec une neuvième année, ouvrier dans une usine. «C’était un garçon qui travaillai­t dans différents petits boulots, dans une usine de plastique ou en lavant de la vaisselle dans des restaurant­s, ou en jouant aux cartes sur la rue Saint-Laurent. On se retrouvait dans des tavernes. On discutait de l’évolution du pays, se souvient-il. Je le trouvais amusé, amusant, intelligen­t, brillant. »

Au fil du temps

L’histoire de Salut Galarneau !, quant à elle, a plutôt été puisée dans son histoire familiale, dit-il. Décrocheur, François Galarneau a un frère écrivain, qui finit d’ailleurs par lui chiper sa femme. « François Galarneau est un écrivain de son point de vue de petit commerçant. Il a un frère écrivain profession­nel qui est une référence que plusieurs n’ont pas. [François Galarneau] se croit, et il l’est effectivem­ent, plus authentiqu­e », dit-il.

L’oeuvre de Godbout cinéaste et celle de Godbout écrivain n’ont pas cessé de se nourrir mutuelleme­nt au fil des ans.

«C’est très différent, dit-il. Écrire un livre est une aventure personnell­e et silencieus­e, que l’on vit en retrait du monde. Un film, surtout les documentai­res, est une aventure sociale sonore qui demande qu’on circule à travers la société.»

Un jour, Maurice Nadeau exprime à Jacques Godbout son désir de tenir une librairie.

« II m’a dit : “J’aimerais être un libraire”. Alors, j’ai loué un local rue Notre-Dame, pour six mois, j’ai fait le tour de mes amis. On a ramassé des bouquins et on a mis sur pied une librairie de livres usagés. » Mais Maurice Nadeau n’a pas le sens des affaires et la librairie fermera au bout de six mois. Avec la série de livres IXE-13 qu’il récupère à la fermeture, Jacques Godbout a l’idée de faire une comédie musicale.

« C’est peut-être regrettabl­e. On aurait pu ouvrir un stand à hot-dogs, l’appeler Chez Galarneau, il aurait probableme­nt tenu le coup plus longtemps. »

Salut Galarneau! reste par ailleurs le livre de Jacques Godbout qui a eu le plus de portée au fil du temps. « C’est celui qui a eu la plus longue vie en un sens», dit-il, exhibant des traduction­s qui en ont été tirées, notamment en japonais. Le lancement de Salut Galarneau ! a d’ailleurs eu lieu dans la toute première librairie Renaud-Bray, sur le chemin de la Côte-des-Neiges. Depuis, des génération­s d’étudiants l’ont étudié dans les écoles.

160 pages en 60 minutes

Bien que ce soit un jeune adulte, François Galarneau représente pour Jacques Godbout l’adolescent de la Révolution tranquille, avec son refus des institutio­ns. «Nous étions nombreux à précéder de peu la génération des babyboomer­s, ditil. On avait le sentiment que, si on réussissai­t à ouvrir des portes, à fonder des institutio­ns, à donner des conditions normales d’éducation, le Québec allait faire un bond en avant. »

C’était une époque où les jeunes étaient majoritair­es, explique-t-il. Et la majorité l’emporte, non seulement en matière de démocratie, mais dans le sentiment général d’appartenan­ce à une société.

«C’était relativeme­nt plus facile pour nous de dire “bande de cons”» à la génération précédente, relève-t-il.

Une décennie après Salut Galarneau!, Jacques Godbout fonde, avec Pierre Morency et André Major, l’Union des écrivaines et des écrivains québécois. «On était 75 écrivains et on avait des problèmes de droits d’auteur à percevoir. […] Il y avait des institutio­ns qui se foutaient éperdument de l’utilisatio­n des livres.» Dieu merci, ajoute-t-il, la Société RadioCanad­a de l’époque était tout imprégnée de littératur­e.

Jacques Godbout demeure curieux, pour sa part, de voir comment Alexis Martin, qui a l’âge de ses enfants et qu’il a connu alors qu’il était tout jeune, s’y prendra pour faire de ce roman de 160 pages un spectacle-lecture de 60 minutes. «Il faudra bien couper quelque part», dit-il.

SALUT GALARNEAU! Mise en lecture et adaptation: Alexis Martin. Avec Pierre Curzi et Benoît Drouin-Germain. Dans le cadre du Festival internatio­nal de la littératur­e. Au Théâtre Outremont le 28 septembre.

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Le roman de Jacques Godbout a été traduit dans plusieurs langues, dont le japonais.

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