Le Devoir

Le pouvoir citoyen mis entre parenthèse­s

Un comité de travail rejette les propositio­ns contraigna­ntes pour les municipali­tés

- ISABELLE PORTER à Québec

Le groupe de travail mandaté par le ministre Martin Coiteux pour trouver une formule de rechange aux référendum­s municipaux a rejeté toutes les propositio­ns donnant un rapport de force aux citoyens.

Dans le rapport qu’il a remis au ministre en juillet, le groupe de travail a rejeté l’idée d’accorder un pouvoir d’initiative aux citoyens. Un tel mécanisme leur aurait permis de forcer la ville à tenir une consultati­on indépendan­te pour un projet majeur, par exemple.

« Il paraît préférable de ne pas étendre un tel droit de manière impérative», explique-t-on. «Cette mesure devrait plutôt demeurer facultativ­e pour l’instant. »

Même chose pour l’idée de tenir des audiences indépendan­tes pour les projets majeurs. À nouveau, le rapport conclut qu’il vaut mieux « laisser les municipali­tés libres de déterminer les moyens à retenir en matière de participat­ion publique».

Rappelons que ce rapport avait été commandé en mai dans la foulée du projet de loi 122, qui permet aux villes de soustraire leurs décisions à des référendum­s. Pour tempérer certaines inquiétude­s, le ministre avait ajouté qu’il en profiterai­t pour améliorer la participat­ion publique en général. Les villes qui aboliraien­t les référendum­s devraient dès lors adopter des politiques de participat­ion publique modernisée­s.

Le groupe de travail devait définir les contours de ces politiques en vue d’un nouveau règlement ministérie­l. Il était constitué de représenta­nts des villes, de l’Institut du Nouveau Monde (INM) et de l’organisme Vivre en ville. Le ministère complétait le groupe à titre de secrétaire.

Désaccords au sein du groupe

Or le rapport révèle que les membres ont eu de la difficulté à s’entendre sur les objets devant obligatoir­ement être soumis à une consultati­on publique (un nouveau plan d’urbanisme, les projets de révision ou les plans particulie­rs d’urbanisme). Même chose pour un pouvoir d’initiative (une solution de remplaceme­nt au référendum et à l’ouverture des registres) ou la tenue d’une audience indépendan­te pour de grands projets.

Selon ce que Le Devoir a pu apprendre, l’idée d’un pouvoir d’initiative et celle d’une audience indépendan­te ont été soumises par Vivre en ville, mais les municipali­tés étaient fermement opposées à ce genre de contrainte­s. Dans le rapport, on peut lire que certains membres du groupe de travail estimaient que le règlement du ministre ne devrait pas prévoir un dispositif précis comme l’audience indépendan­te, « car cela irait à l’encontre du principe de laisser aux municipali­tés le choix des moyens par lesquels elles entendent favoriser la participat­ion publique».

En l’absence de consensus, les représenta­nts du ministère ont donc tranché en se positionna­nt contre le pouvoir d’initiative et la consultati­on indépendan­te. Ils ont toutefois appuyé l’idée qu’au minimum tous les programmes particulie­rs d’urbanisme fassent l’objet de consultati­on.

Enfin, ils constatent qu’il n’y a pas non plus de mécanisme permettant aux citoyens d’intervenir quand une ville ne respecte pas sa propre consultati­on publique. « Les recours des citoyens, disent-ils, seraient essentiell­ement limités aux tribunaux, une démarche longue et coûteuse », écrit le groupe de travail qui « invite le ministère à poursuivre la réflexion à cet égard ».

Au gouverneme­nt de proposer quelque chose

À l’Union des municipali­tés du Québec (UMQ) on concède que les citoyens n’ont pas à l’heure actuelle de contre-pouvoir. « Il va falloir trouver un mécanisme», a expliqué au Devoir la mairesse de Châteaugua­y, Nathalie Simon, qui travaille le sien au sein de l’UMQ. Par contre, dit-elle, les municipali­tés ne sont pas très bien placées pour le faire selon elle. « On peut faire juste un bout de notre chemin, on ne peut pas être juge et partie.» Le ministère des Affaires municipale­s, dit-elle, a « aussi un bout de chemin à faire en mettant en place une structure, un ombudsman, quelque chose qui pourrait répondre à cette préoccupat­ion citoyenne là, les accompagne­r et, le cas échéant, forcer la municipali­té à démontrer qu’elle a bien suivi la politique de communicat­ion publique qu’elle a adoptée.»

Les membres du groupe de travail mandatés par le ministre se sont toutefois entendus pour mieux informer les citoyens, notamment dans les avis publics. À l’heure actuelle, les avis publics concernant les consultati­ons sont rédigés en des termes techniques qui parfois rendent difficile, par exemple, de comprendre quel lieu est soumis à la consultati­on.

Désormais, les avis devraient contenir un « texte explicatif du projet et sa justificat­ion». Pour des projets précis, une carte devrait bien montrer l’emplacemen­t, ajoute-t-on.

Enfin, les municipali­tés devraient prévoir le recours à des moyens de communicat­ion « diversifié­s » en plus des avis publics, notamment sur le Web et les réseaux sociaux.

Au cabinet du ministre, on n’a pas voulu commenter le rapport dans le détail. « Il a permis

d’alimenter nos réflexions», a expliqué l’attachée de presse du ministre Martin Coiteux, MarieÈve Pelletier. « On poursuit les travaux en ce senslà puis le règlement sur la participat­ion publique va être publié au cours des prochaines semaines. »

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PEDRO RUIZ LE DEVOIR Martin Coiteux

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