Une politique culturelle pour le XXIe siècle
D’entrée de jeu, je tiens à dire que le Parti québécois est heureux de voir enfin poindre à l’horizon une nouvelle mouture de politique culturelle. Il est plus que temps !
Le projet mérite certes des critiques pour sa lenteur à démarrer et pour être aussi plein de bonnes intentions que vide de moyens concrets (pour le moment, nous dit-on), mais il importe tellement de faire évoluer notre politique culturelle que nous saluons la consultation qui débute ce mardi.
Si la nouvelle mouture est une bonne adaptation de la version de 1992, il semble qu’on ait oublié de la situer de façon plus globale dans l’environnement culturel d’aujourd’hui. En effet, une grande partie des produits culturels est désormais dématérialisée et les frontières s’évanouissent. Par ailleurs, de grands joueurs contrôlent les nouveaux outils de diffusion de la culture.
Contrairement à Liza Frulla, qui avait piloté la première politique culturelle du Québec, le ministre Luc Fortin évacue la notion de souveraineté culturelle. Il y a là une grave erreur qui peut encore être corrigée. Au moment même où l’ALENA se renégocie et que l’exception culturelle est fragilisée, le Québec doit réaffirmer le désir de souveraineté sur le soutien et le développement de sa culture.
Puis, mentionnons que l’Assemblée nationale est unanime, premièrement quant au besoin de réinvestir dans la création — ce qui signifie que le CALQ doit recevoir de nouveaux fonds en quantité suffisante — et, deuxièmement, quant à la nécessité de faire comprendre au CRTC que la nation québécoise doit contrôler son environnement culturel pour protéger la langue française. Cela dit, rien n’empêcherait le Québec de se doter d’un organisme-conseil qui pourrait fournir des avis, tant sur les positions du CRTC que sur les grands enjeux de télécommunications.
Un marché foncièrement anglicisé
Films, séries, produits en ligne, le monde entier est à un clic… au coût de quelques dollars. Netflix, Facebook et leurs semblables accaparent les marchés mondiaux mais, surtout, disposent de milliards de dollars pour créer, capter ou diffuser de nouveaux produits présentés, en très grande majorité, en langue anglaise. Nos créateurs ne pourront pas tirer leur épingle du jeu dans ce libre marché fortement anglicisé. La nouvelle politique culturelle doit en tenir compte.
Il faut que les gouvernements se penchent sur de nouvelles manières de créer et de canaliser la richesse dans le secteur culturel. Nous devons étudier comment capter les fonds qui sortent du Québec, hors règles fiscales, une situation qui désavantage scandaleusement nos créateurs. Je connais une auteure-interprète qui songe à quitter son métier, incapable qu’elle est de vivre des maigres redevances provenant du monde numérique.
Nous devons également mieux cibler les dépenses de publicité afin qu’elles servent les citoyens de tout notre territoire, et que leurs retombées se matérialisent chez nous. Imaginez: personne n’est en mesure de préciser la proportion des dépenses gouvernementales qui aboutissent, par les agences de publicité, chez Google ou Facebook, deux sociétés qui ne paient aucun impôt au Québec.
À l’heure de la numérisation massive, on ne peut non plus laisser entre les seules mains d’intérêts privés, très souvent étrangers, le choix des oeuvres appelées à être restaurées ou numérisées. Il en va de notre capacité collective non seulement à conserver notre patrimoine, mais aussi à le faire rayonner, ici et partout dans le monde, pour qu’il continue d’inspirer les créateurs.
Et qu’en est-il de la crise des médias, qui est la grande oubliée de cette politique? Plusieurs affirment qu’elle constitue une menace pour la santé de la démocratie québécoise. Présentement, aucun organisme n’est responsable, ni même outillé, pour réaliser un portrait de la situation.
Enfin, bien que fragile, le patrimoine culturel immatériel est un facteur important du maintien de la diversité culturelle face à la mondialisation croissante. Cette pierre angulaire de notre identité demeure pourtant négligée.
Le Québec a su faire naître des générations d’artistes géniaux et d’artisans de renommée mondiale. Tout l’enjeu d’une politique culturelle est de tenir compte des défis nouveaux pour s’assurer que d’autres générations prennent le relais. Quelle plus grande fierté pour une nation que celle d’être reconnue pour offrir à l’humanité son supplément d’âme? Offrons aux artistes du présent et du futur les outils et les moyens que leur talent mérite. Offrons-leur une politique ancrée dans le XXIe siècle.