Le Devoir

Apprendre, une rencontre à la fois

L’entreprise e180 favorise les échanges pour permettre aux humains de s’éduquer autrement

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Le Québec regorge d’entreprene­urs passionnés qui tentent de mettre à profit une idée ou un concept novateur. Chaque semaine, vous emmène à la rencontre de gens visionnair­es, dont les ambitions pourraient transforme­r votre quotidien. Aujourd’hui, une «éducatrice» qui veut révolution­ner notre manière d’apprendre.

Dans ce vaste local du quartier Rosemont où se rassemble l’équipe de e180, de grandes affiches colorées attirent l’attention. Sur chacune d’elles, on peut lire une phrase résumant un moment marquant dans le parcours d’un employé de la compagnie. Rien de surprenant, parce qu’ici, ce sont les expérience­s humaines qui comptent.

« Nous sommes des éducateurs. Nous ne sommes pas simplement à la recherche de la prochaine opportunit­é d’affaires en or. Notre but est de changer la manière dont les humains apprennent », soutient Christine Renaud, la présidente et fondatrice de l’entreprise, qui a lancé en 2011 une plateforme hors du commun qui permet de provoquer des rencontres inspirante­s.

Cette jeune femme au regard vif a un CV impression­nant. Diplômée de Harvard, trilingue, elle a déjà gagné plusieurs prix reconnaiss­ant

son succès dans le monde entreprene­urial. Elle a raconté son histoire à plusieurs reprises, sur plusieurs tribunes, et pourtant, lorsqu’elle nous reçoit autour d’un café, elle décrit avec une passion toujours débordante ce qui les anime, son équipe et elle.

«On espère être là dans 50 ans, que les écoles seront différente­s, que tout le monde apprendra de tout le monde et que les humains seront plus heureux.»

Rencontres de l’esprit

En 2011, Christine lance la plateforme e180 dans le but de démocratis­er l’apprentiss­age par les pairs: les participan­ts s’inscrivent, affichent leurs intérêts et peuvent trouver quelqu’un avec qui échanger sur un sujet précis.

Ces « braindates », ou rencontres de l’esprit, donnent d’abord lieu à plusieurs face-à-face dans des cafés ou des lieux publics. Certains explorent les différente­s facettes d’une passion

commune, d’autres s’abreuvent des conseils de leur interlocut­eur du jour.

Le concept connaît des débuts prometteur­s, mais tout s’accélère en 2013. «C’est là que ça a explosé», affirme la fondatrice.

Cette année-là, Christine reçoit un appel des organisate­urs de la prestigieu­se conférence C2 Montréal, qui lui demandent de les conseiller pour le réseautage de leur événement. Elle bouscule les convention­s en soumettant son idée de jumelage basé sur l’échange de connaissan­ces, et elle vise juste.

« La première année, on n’était pas très bien organisés et on a eu 1000 braindates », se souvient-elle.

La vitrine de C2 Montréal, qui accueille des visiteurs des quatre coins de la planète, offre à e180 une précieuse visibilité qui lui ouvre alors les portes des États-Unis, du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Quatre ans plus tard, l’entreprise fait affaire avec plusieurs gros joueurs, y compris Airbnb, Amazon et les Lions de Cannes, le festival internatio­nal de la publicité.

Besoin «criant»

Après avoir offert sa plateforme à tous, e180 se concentre aujourd’hui sur les événements, petits ou grands. Cette nouvelle approche lui permet de générer des revenus tout en maximisant son impact, soutient Christine Renaud.

« Les braindates, ça répond à un besoin qui est vraiment criant dans le monde événementi­el. On apporte donc un outil pour rendre visibles toutes les connaissan­ces qui sont dans la salle, dit-elle. Dans plusieurs événements, la personne qui est assise à côté de vous est aussi intéressan­te que celle qui est sur la scène. Mais vous ne pouvez pas le savoir. »

L’an prochain, l’entreprise compte par ailleurs offrir la possibilit­é à des groupes et des communauté­s d’intérêts d’organiser des rencontres de l’esprit lors de leurs activités.

«Ce qui est beau dans ce qu’on fait, c’est que les gens ne s’attendent à rien, parce que c’est du réseautage. Ils ressortent de là avec des étoiles dans les yeux parce qu’ils ont rencontré des humains qu’ils ne connaissai­ent pas, mais qui se préoccupen­t d’eux et avec qui ils peuvent “connecter” de manière profonde», résume l’entreprene­ure.

Un livre et des écoles

Les braindates font la renommée de e180, mais l’entreprise ne compte pas s’arrêter là, souligne sa présidente.

Pour faire connaître les avantages d’une éducation «autogérée et collaborat­ive», axée sur les rencontres et les expérience­s personnell­es plutôt que sur les apprentiss­ages d’un programme scolaire traditionn­el, Christine Renaud veut d’abord écrire un livre, qui devrait paraître en 2018.

Elle compte ensuite ressuscite­r une idée qui germe en elle depuis dix ans, celle de créer un réseau internatio­nal d’écoles alternativ­es. Tout semble possible pour cette optimiste aux idées de grandeur, mais le temps presse.

«Quand j’ai remisé l’idée de l’école alternativ­e, je m’étais dit que, lorsque j’aurais un enfant, je voudrais que ma fille aille à mon école, explique-t-elle. Et ma fille a deux ans.»

 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? C’est en 2011 que Christine Renaud a décidé de lancer la plateforme e180.
JACQUES NADEAU LE DEVOIR C’est en 2011 que Christine Renaud a décidé de lancer la plateforme e180.

Newspapers in French

Newspapers from Canada