Remettre l’ePrix en perspective
Depuis quelques jours, on dirait que l’ePrix est la seule nouvelle dans l’ensemble de la province. C’est l’une de ses rares choses sur lesquelles semblent s’entendre tant les chroniqueurs de Radio X à Québec que ceux de Radio-Canada à Montréal. Malgré tout, certains tentent encore de s’évertuer à défendre cette course, sous un prétexte d’électrification des transports et de développement d’un pôle commercial et industriel vert à Montréal. Bien qu’il soit loin de notre intention de remettre en cause la noblesse de tels objectifs, nous nous permettons d’avoir de forts doutes quant à la viabilité de l’événement dans son format actuel à Montréal.
Comme on vous l’a répété chronique après chronique, nous débourserons 24 millions de dollars de fonds publics afin que la Formule E soit de passage à Montréal cette année. Le maire a beau nous répéter que c’est dans l’objectif de tisser des liens d’affaires entre les entreprises montréalaises et l’industrie automobile de par le monde, et tenter de nous présenter comme un pôle de technologies vertes, nous subventionnons déjà un autre événement, la F1, censé nous permettre de tisser ces mêmes liens d’affaires avec l’industrie automobile, et on peut dire que les résultats sont plutôt modérés. Pour une entreprise ayant un produit innovant, le fait de se déplacer à un tel événement dans une ville ou une autre est un moindre coût par rapport aux occasions d’affaires. On parle de quelques billets d’avion et de chambres d’hôtel, soit des coûts que sont en mesure d’absorber des entreprises cherchant à vendre leurs produits.
Parlons justement de cette subvention de 24 millions de dollars. Le chiffre semble élevé, mais il l’est encore plus lorsqu’on le compare. Le 8 juin dernier, une nouvelle entente a été signée entre nos divers ordres de gouvernement, la F1, et le Groupe de course Octane, qui organise le Grand Prix de Montréal. En vertu de cette entente, on versait 98,5 millions de dollars pour la tenue de cinq Grands Prix entre 2025 et 2029, ce qui équivaut à une subvention annuelle moyenne de 19,7 millions de dollars. Nous offrons donc une subvention 120% plus grande pour la Formule E, sans compter le cautionnement de la marge de crédit du groupe organisant l’événement, que pour la Formule 1, et ce, malgré le fait que l’audience de la Formule E ne soit que 4% de celle de la Formule 1, d’après un rapport compilé par la firme Repucom et relaté dans le magazine Forbes. Ceci équivaut à 3025% plus de subvention par auditeur potentiel.
Une bonne affaire?
Cette subvention devient encore plus frustrante lorsqu’on sait qu’aucune autre ville hôte n’a eu à débourser d’argent afin de tenir l’événement. À Paris, l’organisateur a même fait réparer des routes à ses frais afin de pouvoir tenir la course, chose qui aurait sûrement fait le bonheur de bien des Montréalais. Néanmoins, malgré tous ces fonds accordés aux organisateurs, les fans Montréalais paieront certains des billets les plus chers. Même les billets de l’ePrix de Monaco, une ville réputée pour le luxe et la course automobile, sont presque la moitié du prix de ceux de Montréal. On peut difficilement parler d’une bonne affaire pour les amateurs montréalais.
Certains tenteront de nous répondre en disant qu’on subventionne déjà de nombreux événements, et que ceux-ci offrent aux Montréalais et aux Québécois des retombées économiques plutôt substantielles. Bien qu’il soit vrai que certains événements ont des retombées positives, ce n’est pas le cas de tous les événements tenus à Montréal. Année après année, on voit de nouvelles études ou de nouveaux articles être écrits par des chercheurs et des journalistes sérieux et qui remettent en cause la rentabilité de la subvention accordée à certains événements, notamment le Grand Prix. Considérant la durée de l’événement, son audience 25 fois plus grande et l’influx de touristes relativement fortunés, si un événement comme le Grand Prix peine à justifier sa subvention, il est raisonnable d’estimer qu’on ne reverra jamais la couleur de la subvention faite à l’ePrix.
Le développement de technologies vertes est un objectif louable, et le développement d’une expertise verte au Québec l’est tout autant, cependant d’autres moyens existent. Hydro-Québec travaille présentement avec Sony au développement d’une « super-batterie » permettant de stabiliser la production d’électricité et de réduire la dépendance aux énergies fossiles. De nombreux entrepreneurs québécois investissent dans le développement de ces nouvelles technologies et sont en mesure d’exporter notre savoir-faire afin qu’il puisse bénéficier au monde entier. C’est en laissant nos entreprises innover, et en réduisant leurs coûts régulateurs et fiscaux, que nous pourrons établir Montréal comme pôle commercial et industriel vert, et non pas en tenant une course de véhicules électriques.