Le Devoir

Stephen Hough, poète « intranquil­le »

Le trop rare pianiste Stephen Hough a ouvert dimanche le Festival de musique de chambre d’Ottawa

- CHRISTOPHE HUSS à Ottawa

OTTAWA CHAMBERFES­T Gala d’ouverture: récital Stephen Hough (piano). Debussy: Clair de lune. La terrasse des audiences au clair de lune (Prélude no 7 du Livre II). Images : livres I et II. Schumann : Fantaisie op. 17. Beethoven : Sonate no 23, «Appassiona­ta». Église Dominion-Chalmers, Ottawa, dimanche 23 juillet.

C’est au rare et précieux Stephen Hough que le Festival de musique de chambre d’Ottawa, qui se prolongera jusqu’au 4 août, a confié son gala d’ouverture. Le choix s’est avéré judicieux : Hough a rempli l’église Dominion-Chalmers, sorte de grosse salle Bourgie idéalement adaptée aux récitals et concerts chambriste­s, avec un public concentré et silencieux qui mérite les premiers éloges.

Sachant que Stephen Hough n’a plus joué au Québec depuis 2012, il serait intéressan­t pour les festivals québécois de ne pas regarder le phénomène avec superbe et de développer des relations plus étroites avec leurs inventifs collègues en Outaouais (Music and Beyond et Chamberfes­t), dont les invités sont souvent de calibre plus internatio­nal.

Les propositio­ns artistique­s de Stephen Hough sont fascinante­s, notamment dans Debussy, qui ouvre chaque partie. L’idée d’une pièce «lunaire» suivie d’un cahier d’Images est judicieuse: Hough aiguise les sens, puis requiert de la part des spectateur­s un maximum d’attention, avec un creusement très subtil des sonorités.

En tentant de comprendre les sortilèges de ces Images de Debussy, je me suis rendu compte que Stephen Hough possède une faculté rare d’effleurer le clavier avec l’annulaire et l’auriculair­e droits. Donnant un peu plus de poids à la main gauche, le pianiste tend au-dessus d’une basse franchemen­t dessinée des sortes de voiles sonores fascinants.

Le Schumann de Stephen Hough s’exprime dans la Fantaisie op. 17 comme dans le Carnaval op. 9 à Montréal en 2012: avec une piaffante impatience, un peu à la manière d’Emil Gilels, jadis. Il y a dans l’expression de la poésie romantique selon Stephen Hough un malaise qui sourd: cette «intranquil­lité» devient impatience dans un dernier volet de Fantaisie, qui ne connaît jamais de réel apaisement.

Dans la vie aussi, le pianiste, poète, peintre, penseur et philosophe est un personnage tourmenté. Dimanche, ces tourments ont fait boule de neige plus vite que ses doigts dans le 2e volet de la Fantaisie et, in extremis, à la main droite dans les ultimes mesures de sa rude Appassiona­ta. Ce n’est pas ce que le public retiendra, car il assiste à un concert de Stephen Hough pour s’ouvrir de nouveaux horizons et être bousculé dans ses certitudes.

Pour la totale perfection (c’est-à-dire les 3 ou 4% qui manquaient), il y a les disques… qui en offrent rarement autant sur le plan de la nourriture spirituell­e.

Stephen Hough possède une faculté rare d’effleurer le clavier avec l’annulaire et l’auriculair­e droits

 ?? SIM CANETTY-CLARKE ?? Les propositio­ns artistique­s de Stephen Hough sont fascinante­s.
SIM CANETTY-CLARKE Les propositio­ns artistique­s de Stephen Hough sont fascinante­s.

Newspapers in French

Newspapers from Canada