Ne pas en croire ses oreilles
Audible Reality permet de transformer n’importe quel fichier sonore en expérience audio 3D
Le Québec regorge d’entrepreneurs passionnés qui tentent de mettre à profit une idée ou un concept novateur. Chaque semaine, Le Devoir vous emmène à la rencontre de gens visionnaires, dont les ambitions pourraient transformer votre quotidien. Aujourd’hui, un Américain qui a élu domicile à Montréal pour redonner à l’audio ses lettres de noblesse.
Certains diront que regarder un match de hockey sur un téléviseur haute définition, c’est assister à la partie comme si on y était. Les télédiffuseurs promettent de vous en mettre plein la vue, mais Matthew Boerum veut aller plus loin, et vous en mettre plein les oreilles.
Cet Américain de 35 ans, qui baigne dans le milieu de la musique et de l’audio depuis près de 20 ans, a lancé en 2015 Audible Reality, une compagnie dont la technologie brevetée permet de transformer n’importe quel fichier sonore en expérience audio 3D.
« Vous n’avez qu’à penser à une expérience de la vie de tous les jours que vous voulez recréer. On peut le faire», affirme cet entrepreneur qui croit qu’après des années de statu quo, le moment est venu de révolutionner l’univers de l’audio.
« On entend le son autour de nous tous les jours, mais quand on obtient la même expérience avec des écouteurs, on n’arrive pas à le croire Matthew Boerum
Inspiré par le gramophone
À la fois musicien, enseignant et ingénieur de son, Matthew décide en 2014 de quitter son travail à l’American University de Washington pour effectuer son doctorat à l’Université McGill, «une des meilleures écoles de musique au monde ». Il se spécialise alors dans le mixage audio et la perception sonore. «Je suis un collectionneur de phonographes et de gramophones. J’ai toujours voulu recréer l’expérience sonore des années 1900, confie-t-il. J’ai toujours voulu pousser l’audio à un niveau supérieur. »
Ses recherches sur l’audio adapté à la réalité virtuelle le mènent vers l’entreprise montréalaise Playhybrid, qui l’embauche comme directeur de l’ingénierie sonore. Mais le fondateur de la compagnie spécialisée dans le développement de jeux pour mobile, Dominic Bilodeau, voit tout le potentiel du travail de Matthew et l’incite à démarrer, en parallèle, sa propre entreprise.
Au-delà des écouteurs
Avec la technologie d’Audible Reality, tous les types de fichiers sonores peuvent offrir une expérience immersive, en différé comme en direct. «On n’a qu’à activer le système, et le traitement se fait automatiquement, explique Matthew. Les gens parlent de haut-parleurs virtuels,
et c’est le but. On veut étendre le son au-delà des écouteurs. »
Pour profiter de l’expérience audio 3D, n’importe quelle paire d’écouteurs fait l’affaire. Lorsqu’on écoute un fichier audio mono ou stéréo, on perçoit facilement que le son provient de l’une ou l’autre des oreillettes, tandis qu’avec l’audio 3D, le son semble provenir d’une multitude d’endroits différents autour de nous.
« On entend le son autour de nous tous les jours, mais quand on obtient la même expérience avec des écouteurs, on n’arrive pas à le croire, fait remarquer Matthew, en souriant. Le mono et le stéréo sont très bons pour certains usages, mais en externalisant le son, on peut faire plein de choses complètement folles.»
Par exemple écouter une partie du Canadien comme si on se trouvait au centre de la patinoire, ou parler avec sa mère au téléphone et avoir l’impression qu’elle est assise juste à côté de nous.
Partenariats en cours
Audible Reality souhaite vendre son logiciel à des développeurs pour leur permettre de mettre au point différentes applications. Sa technologie est évidemment attrayante pour le secteur de la réalité virtuelle, mais pendant que les Dobly, Yamaha et Samsung y investissent massivement, la compagnie a choisi de se concentrer sur les télécommunications, les téléconférences et la musique en continu (streaming). Cela laisse présager des ententes avec de gros joueurs comme Bell, Rogers ou encore Spotify.
Matthew demeure discret sur les partenariats développés jusqu’à maintenant avec différentes compagnies, mais il espère pouvoir en dire plus d’ici la fin de l’été. Il y a quelques années, il n’aurait pas pu prédire qu’il traverserait la frontière pour fonder une entreprise à Montréal, mais aujourd’hui, il est aux anges.
«C’était une coïncidence, mais je suis content que ce ne soit pas arrivé ailleurs, dit-il. Ça devait arriver ici, parce que c’est une ville où le son compte beaucoup pour les gens. Vous avez une scène musicale et sportive développée, donc quand on présente notre solution, ils comprennent les possibilités. »