Le Devoir

Les ratés de Paris, 25 ans après Rio

Les progrès sont réels, mais l’idéal d’alors reste à atteindre, dit Jean Charest

- ALEXANDRE SHIELDS

Alors que Donald Trump a choisi de renier l’Accord de Paris, Le Devoir revient sur le chemin parcouru depuis le Sommet de la Terre de Rio de 1992, qui a donné le coup d’envoi au plan climatique mondial. Entrevue avec Jean Charest.

Même si des progrès majeurs ont été réalisés en matière de lutte contre les changement­s climatique­s depuis le Sommet de Rio, la communauté internatio­nale n’est toujours pas parvenue à négocier pleinement son virage vers une économie durable, constate Jean Charest. Il estime donc qu’il faudra poursuivre les efforts pour plusieurs années, malgré les reculs du nouveau gouverneme­nt américain.

L’ex-premier ministre du Québec était ministre de l’Environnem­ent du Canada au moment de la rencontre qui a conduit à la création de la Convention-cadre des Nations unies sur les changement­s climatique­s. C’est d’ailleurs précisémen­t à ce titre qu’il a accepté il y a quelques jours d’accorder une entrevue au Devoir, en prévision du 25e anniversai­re du Sommet de Rio.

M. Charest se souvient de « l’idéalisme » qui animait ce Sommet de la Terre, qui a donné le coup d’envoi au plan de lutte contre les changement­s climatique­s en plus de poser les premiers jalons de stratégies de protection de la diversité biologique, de lutte contre la désertific­ation et d’objectifs liés au « développem­ent durable ».

«Cet idéalisme était quelque chose qui nous inspirait et qui nous amenait à vouloir bouger, à poser des gestes», souligne celui qui dirigeait la délégation canadienne, au nom du premier ministre de l’époque, Brian Mulroney. « C’était très intense. Ce sont deux semaines extrêmemen­t intenses dont le Canada est sorti grandi, parce qu’on a pu peser de tout notre poids dans le cadre du Sommet. »

Jean Charest dit aussi avoir été profondéme­nt marqué par le Sommet de Rio, au point d’en retenir des leçons lorsqu’il a pris la tête du gouverneme­nt du Québec, en 2003. « Je suis arrivé avec une idée très claire de ce que je voulais faire. Je voulais une loi de développem­ent durable qui allait engager tous les ministères. On l’a fait. Et nous sommes encore un des rares gouverneme­nts à avoir fait une loi aussi rigoureuse et aussi contraigna­nte pour tous les ministères, avec des obligation­s. »

Reculs politiques

Globalemen­t, celui qui travaille aujourd’hui pour le cabinet McCarthy Tétrault estime que l’enjeu climatique, au coeur du sommet de 1992, a fait beaucoup de chemin. « Sur la question climatique, ça n’a pas été facile, mais nous sommes arrivés à la conférence de Paris [de 2015] avec des objectifs clairement énoncés et qui font l’objet du plus large consensus qu’on ait jamais eu.»

Le problème, c’est que les changement­s de gouverneme­nt peuvent entraîner des reculs sur la question climatique, à l’instar de celui que tente d’imposer le président Donald Trump en remettant en question la nécessité d’agir. Pourtant, ajoute l’ex-chef du Parti libéral du Québec, le mouvement déjà engagé est « inévitable ». «Peut-être que le gouverneme­nt Trump peut faire l’autruche pendant quatre ans, mais on va y arriver. Et le secteur privé le sait, parce que logiquemen­t, c’est la voie à suivre.»

M. Charest n’en juge pas moins que les États-Unis ont un rôle majeur à jouer dans tout plan de lutte internatio­nal contre les changement­s climatique­s. « Le leadership américain est extrêmemen­t important, parce que ce sont eux qui ont des moyens financiers: des moyens pour la recherche et des moyens pour l’aide au développem­ent, mais aussi un leadership mondial. Et quand le leadership américain fait défaut, tout le monde en paie le prix.»

Outre la volonté politique d’agir, il dit croire en la mise en place d’«instrument­s économique­s » qui vont dans le sens de « meilleurs choix sur le plan énergétiqu­e». Il cite la tarificati­on des émissions de gaz à effet de serre, que ce soit sous la forme d’une taxe ou d’un système de plafonneme­nt et d’échanges de droits d’émissions, comme celui en place au Québec.

Avec le recul, Jean Charest constate enfin que le concept de développem­ent durable a par ailleurs progressé de façon importante, même si la communauté internatio­nale n’a pas encore atteint « l’idéal » fixé il y a 25 ans à Rio de Janeiro.

«Je pense que nous avons fait des progrès importants, mais nous ne sommes pas rendus à l’idéal que nous nous étions fixé en 1992, soit d’aider l’économie à migrer vers le vrai développem­ent durable, souligne-t-il. C’est le type de développem­ent que nous souhaitons, et c’est celui qui va nous permettre de parvenir à des politiques qui nous poussent véritablem­ent vers les meilleurs choix. Et cet effort-là doit continuer pour encore plusieurs années.»

 ?? RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR ?? À la librairie près de chez lui, Sébastien Dion doit compter sur la sollicitud­e des employés, qui viennent le servir à l’extérieur puisque le commerce lui est inaccessib­le.
RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR À la librairie près de chez lui, Sébastien Dion doit compter sur la sollicitud­e des employés, qui viennent le servir à l’extérieur puisque le commerce lui est inaccessib­le.
 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? Jean Charest représenta­it le Canada au Sommet de la Terre, à Rio, en 1992.
JACQUES NADEAU LE DEVOIR Jean Charest représenta­it le Canada au Sommet de la Terre, à Rio, en 1992.

Newspapers in French

Newspapers from Canada