Le Devoir

Présent sur le terrain avec les communauté­s

- STÉPHANE GAGNÉ Collaborat­ion spéciale

Lors du 5e colloque internatio­nal du Centre de recherche sur les innovation­s sociales (CRISES), les 6 et 7 avril, l’organisme Parole d’excluEs (le E majuscule vise à inclure les femmes) présentera son modèle d’action. Un modèle original qui vise à mobiliser les citoyens victimes d’exclusion sociale et de pauvreté dans des projets qui les intéressen­t de façon à ce qu’ils deviennent les premiers acteurs de leur destin.

Depuis dix ans, Parole d’excluEs lutte donc à sa façon contre la pauvreté et l’exclusion sociale en mettant en place des projets dans des domaines aussi divers que la santé, l’environnem­ent, l’éducation, la culture et l’alimentati­on.

Un modèle d’action original

Parole d’excluEs parvient à ses fins grâce à ses partenaria­ts avec divers organismes. L’organisme travaille ainsi en collaborat­ion avec la Société d’habitation populaire de l’est de Montréal (SHAPEM), pour développer des projets sociaux et des logements sociaux et il effectue de la recherche par l’entremise de l’incubateur universita­ire de Parole d’excluEs (IUPE). Il contribue aussi à la création de comités de citoyens. Une fois qu’ils sont créés, l’organisme les accompagne dans la réalisatio­n de projets souhaités par leurs membres. «Nous mettons en place des solutions ancrées dans la communauté dans lesquelles les citoyens deviennent des acteurs du changement », explique Isabel Heck, chercheuse à Parole d’excluEs.

La recherche est toutefois le point de départ des actions de l’organisme. «Avant d’amorcer un projet dans un quartier, nous devons mieux connaître dans quel milieu nous travaillon­s, quels sont les besoins, les manques », note Isabel Heck.

Trois secteurs d’inter vention

Depuis quelques années, l’organisme réalise la majorité de ses inter ventions dans trois secteurs défavorisé­s de l’île de Montréal. Un de ces secteurs se trouve dans le quartier Hochelaga-Maisonneuv­e, autour de l’ancienne biscuiteri­e Viau. Les deux autres se situent dans l’arrondisse­ment de Montréal-Nord. Il s’agit de l’îlot Pelletier, situé à l’est du boulevard Pie-IX et au sud du boulevard Henri-Bourassa et du secteur Nord-Est, situé à l’est du boulevard Langelier et au nord du boulevard Maurice Duplessis. Ce dernier secteur est tristement célèbre pour les émeutes survenues en 2008 à la suite de la mort de Fredy Villanueva.

Dans ce petit quartier jeune (28% des habitants du NordEst ont moins de 18 ans), très multiethni­que, densément peuplé et pauvre, Parole d’excluEs a senti le besoin d’intervenir en 2014. Fidèle à son modèle d’action, il a permis la création d’un comité de citoyens. Le comité RaCiNE (Rassemblem­ent des citoyens du Nord-Est de Montréal-Nord) travaille depuis à améliorer le vivre-ensemble, la situation des jeunes, les conditions de vie des citoyens et il lutte contre la discrimina­tion et les préjugés. Dans les deux autres secteurs d’interventi­on, des comités citoyens ont aussi été créés.

Système alimentair­e pour tous

Le plus important projet de l’organisme, appelé Système alimentair­e pour tous, a pris racine dans l’îlot Pelletier. « Les citoyens nous disaient avoir de la difficulté à bien s’alimenter en raison de l’éloignemen­t des supermarch­és, du coût du transport pour s’y rendre et du coût des aliments», relate Mme Heck. Ils se trouvaient, pour ainsi dire, dans un désert alimentair­e.

Pour corriger cette situation, l’une des solutions mises en oeuvre a été de créer la coopérativ­e de solidarité Panier futé. L’organisme a pour mandat de donner accès à des produits alimentair­es sains et abordables. Ses 210 membres (résidants surtout de MontréalNo­rd, mais aussi de Rivièredes-Prairies et Ahuntsic) peuvent commander des aliments toutes les deux semaines. «En échange, nous leur demandons trois heures de bénévolat par mois, dit Mme Heck. Cela a pour a but de garder les aliments à bon prix, de valoriser les compétence­s des membres et de briser leur isolement.»

Système alimentair­e pour tous a aussi permis la création d’un jardin collectif en 2011 dans l’îlot Pelletier et le projet Quartier 21 qui vise à verdir la ville (par la plantation d’arbres) et à développer des potagers urbains. Ce dernier projet se déroule dans les deux secteurs de MontréalNo­rd. Un autre jardin collectif a aussi vu le jour, en 2015, dans le secteur de l’ancienne biscuiteri­e Viau.

La clinique de proximité

Parole d’excluEs a aussi permis la création d’une clinique de santé (appelé clinique de proximité) dans le secteur Nord-Est. « Nous avons réalisé une étude qui a démontré que les citoyens de l’endroit souffraien­t d’un grave problème d’accès aux soins de santé, dit Isabel Heck. Diverses raisons expliquent cela: les citoyens n’avaient pas les moyens financiers de se rendre dans les lieux où sont dispensés les soins, ils devaient face à des préjugés lorsqu’ils s’y retrouvaie­nt ou encore ils se sentaient comme des numéros. »

Pour corriger ces lacunes, Parole d’excluEs, en collaborat­ion avec la Fédération interprofe­ssionnelle de la santé du Québec (FIQ), a opté pour la mise sur pied d’une clinique de proximité (dont l’ouverture est prévue au printemps). D’autres partenaire­s se sont ensuite impliqués. La SHAPEM a fourni le local et l’arrondisse­ment MontréalNo­rd a donné une subvention de 20 000 $. Cette clinique permettra d’offrir des soins de santé à des citoyens qui autrement étaient difficilem­ent joignables.

« Les citoyens seront impliqués dans le fonctionne­ment de la clinique, dit Mme Heck. Ils pourront, par exemple, aider dans la salle d’attente et favoriser une meilleure communicat­ion entre les profession­nels de la santé et les citoyens clients.»

Les limites

La réalisatio­n de ces projets demande toutefois du temps, car transforme­r des citoyens exclus en acteurs de changement social est un long processus, admet Mme Heck. « De plus, les projets mis en place améliorent certes les conditions de vie des participan­ts et des gens du secteur qui en profitent, mais cela ne change pas globalemen­t la réalité d’un quartier défavorisé. Pour que notre modèle d’action ait un plus grand impact, il faudrait qu’il soit institutio­nnalisé. » Ce qui ne risque pas de se produire dans un horizon rapproché.

 ?? SOURCE PAROLE D’EXCLUES ?? Parole d’excluEs réalise ses interventi­ons dans Hochelaga-Maisonneuv­e, autour de l’ancienne biscuiteri­e Viau ainsi que dans MontréalNo­rd, autour de l’îlot Pelletier et du secteur Nord-Est.
SOURCE PAROLE D’EXCLUES Parole d’excluEs réalise ses interventi­ons dans Hochelaga-Maisonneuv­e, autour de l’ancienne biscuiteri­e Viau ainsi que dans MontréalNo­rd, autour de l’îlot Pelletier et du secteur Nord-Est.

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