Le Devoir

Moubarak libéré, les espoirs de la révolution s’envolent

- EMMANUEL PARISSE

L' ex-président égyptien Hosni Moubarak a retrouvé la liberté vendredi, mais plusieurs figures du Printemps arabe dorment encore derrière les barreaux: dans l’Égypte de Sissi, la révolution de 2011 vient d’être liquidée symbolique­ment.

C’est son avocat Farid alDeeb qui a annoncé vendredi le départ de M. Moubarak de l’hôpital militaire du Caire, dans lequel il a passé l’essentiel de ses six années de détention.

La libération de M. Moubarak, qui avait régné sans partage sur le pays pendant 30 ans, vient briser définitive­ment les aspiration­s nées d’une révolution qui avait porté l’espoir d’un régime plus démocratiq­ue.

Outre M. Moubarak, son exministre de l’Intérieur, Habib alAdly, qui symbolise la torture et les abus du régime, a aussi été acquitté pour les meurtres de manifestan­ts pendant la révolte.

En revanche, Alaa Abdel Fattah et Ahmed Douma, deux des plus importants meneurs de la révolution, sont toujours en prison.

Depuis que l’actuel président, Abdel Fattah al-Sissi, exchef de l’armée, a destitué son prédécesse­ur islamiste Mohamed Morsi en 2013, il dirige à son tour le pays d’une main de fer, éliminant toute forme d’opposition.

M. Moubarak a été jugé dans deux grandes affaires depuis son départ du pouvoir.

Il a notamment été accusé d’avoir incité au meurtre de manifestan­ts pendant la révolte, au cours de laquelle quelque 850 personnes ont été tuées lors d’affronteme­nts avec la police.

Condamné à la prison à vie en 2012, il a été blanchi en 2014. Et le 2 mars dernier, la Cour de cassation a confirmé cet acquitteme­nt.

Traitement spécial

Pour Adel Ramadan, avocat pour l’organisati­on de défense des droits de la personne Egyptian Initiative for Personal Rights, M. Moubarak a bénéficié d’un traitement spécial lors de son procès.

Si des militants ont été remis en liberté, certains sont astreints à un contrôle judiciaire strict. Ahmed Maher, fondateur et porte-parole du Mouvement du 6 avril, un groupe très actif en 2011, a été libéré en janvier. Pendant trois ans, il devra se rendre chaque soir au commissari­at de son quartier et y passer la nuit.

Et la semaine dernière, les autorités ont gracié 203 détenus dans des procédures liées à l’interdicti­on de manifester. Mais aucun militant réputé n’est sorti de prison.

Après la destitutio­n de M. Morsi, l’opposition islamiste a aussi été laminée. En août 2013, l’assaut est donné au Caire contre des milliers de pro-Morsi. Environ 700 d’entre eux sont tués. «Les conditions qui ont mené à la révolution de janvier sont toujours présentes, bien que j’exclue qu’une autre révolution puisse avoir lieu», explique Mostafa Kamel el-Sayed, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.

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