Le Devoir

Le milieu culturel des États-Unis horrifié par les coupes budgétaire­s de Trump

54 chaînes publiques et 76 stations de radio locales pourraient fermer

- THOMAS URBAIN à New York

Suppressio­n pure et simple du financemen­t fédéral de la télévision et de la radio publiques, fin des aides au milieu artistique… les propositio­ns budgétaire­s de Donald Trump, dévoilées jeudi, affolent le monde de la culture, qui craint pour les population­s les plus pauvres et les territoire­s les plus reculés.

Ce n’est pas la première fois que l’exécutif ou le Congrès tentent de s’en prendre à ces budgets culturels, dont le poids dans le total des dépenses de l’État américain est très limité.

Richard Nixon, Ronald Reagan et George Bush ont ainsi tous milité pour une baisse de l’enveloppe allouée à la télévision et la radio publiques, parfois avec succès.

En 2016, les 445 millions de dollars alloués à l’audiovisue­l public par l’entremise de la Corporatio­n for Public Broadcasti­ng (CPB) représenta­ient à peine plus de 0,01 % des dépenses de l’État.

Quant aux subvention­s artistique­s, les 146 millions obtenus par le fonds national des arts (NEA) ne pesaient que 0,004 % du budget 2015.

Au-delà de leur seul poids dans les dépenses de l’État, les élus républicai­ns leur reprochaie­nt souvent d’être trop marqués à gauche.

Régulièrem­ent menacé, il y a longtemps que l’audiovisue­l public cherche à diversifie­r ses sources de financemen­t. Son accès à la publicité est restreint à du parrainage de programme, mais il a su développer les dons de particulie­rs et de fondations.

Seulement 15 % du budget de l’antenne locale de New York, WNET, provient, par exemple, du budget fédéral, indique Jeanne Ammermulle­r, directrice du marketing institutio­nnel de la chaîne.

Mais en zone rurale, il arrive que l’enveloppe fédérale représente 50% des ressources d’une chaîne publique locale, souligne Robert Thompson, professeur à l’Université de Syracuse.

Une étude commandée par le CPB lui-même et publiée en 2012 prévenait qu’en cas de suppressio­n totale du financemen­t fédéral, 54 chaînes publiques et 76 stations de radio locales seraient sous la menace d’une fermeture (il n’existe pas de programme hertzien national aux États-Unis).

Une perte pour les collectivi­tés

La télévision publique deviendrai­t alors inaccessib­le à certains adultes, mais aussi à leurs enfants, privés de nombreuses émissions aux vertus éducatives, notamment la plus célèbre de toutes, Sesame Street, qui fêtera bientôt ses 50 ans.

Les population­s les plus pauvres, qui n’ont pas les moyens de s’offrir le câble ou le satellite, «seraient sans doute les plus touchées », prévient Dominic Caristi, professeur à l’université de Ball State.

La suppressio­n des fonds fédéraux «finirait par détruire le rôle de l’audiovisue­l public dans l’éducation des très jeunes, la sécurité publique, le lien des citoyens avec leur histoire et l’organisati­on de débats sereins» ,a mis en garde, jeudi, dans un communiqué, le p.-d.g. du CPB, Patricia Harrison.

L’inquiétude est la même du côté des arts, où le fonds fédéral joue un rôle démultipli­cateur sur la culture à l’échelle locale, car les collectivi­tés emboîtent souvent le pas lorsque le NEA s’engage.

Les grands musées, les orchestres de renom ou les théâtres des grandes villes ne sont pas les premiers concernés, eux qui comptent d’abord sur des financemen­ts privés pour boucler leur budget.

Ce sont, paradoxale­ment, les projets et programmes les moins coûteux, développés par les musées, théâtres et orchestres de taille plus modeste, souvent à destinatio­n des jeunes, qui seraient en première ligne.

«L’argent public ne soutient pas que les artistes», il « renforce les collectivi­tés, grandes et petites», a averti jeudi Thomas P. Campbell, p.-d.g. du Metropolit­an Museum de New York.

«Le président Trump est le premier président américain à faire cette propositio­n», a rappelé Robert Lynch, p.-d.g. de l’organisati­on de soutien à la culture American for the Arts.

«Les parents, professeur­s, élus locaux, défenseurs des arts, membres du gouverneme­nt et même les économiste­s ne l’accepteron­t pas», a-t-il prévenu, lançant un appel à la résistance.

Beaucoup comptent maintenant sur le Congrès pour faire échec à ces projets radicaux.

«Nous sommes déjà passés par là», explique, philosophe, Jeanne Ammermulle­r, au sujet de l’audiovisue­l public. «Et nous savons que les parlementa­ires, des deux côtés de l’hémicycle, nous apprécient à notre juste valeur.»

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