Le Devoir

La honte d’une génération

- GENEVIÈVE BOUTIN Chef des affaires humanitair­es de l’UNICEF pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord

Que l’on tente de l’ignorer ou pas, la guerre civile en Syrie, qui dure maintenant depuis six ans, est la honte de notre génération. Tous ceux qui, comme moi, sont éduqués, ont la chance de profiter de la paix, d’accéder à l’informatio­n en temps réel, et tous ceux qui, comme moi, sont parents de la génération future ont un devoir moral de se préoccuper de ce qui se passe en Syrie.

Oublions la géopolitiq­ue qui nous donne envie de nous déclarer impuissant­s. Pensons plutôt aux enfants et aux adolescent­s syriens, aux millions de déplacés internes et aux millions d’enfants réfugiés qui ont dû entreprend­re un dangereux voyage. Nous avons tous un rôle à jouer pour garantir un avenir meilleur à ces enfants vulnérable­s.

L’indifféren­ce n’est pas possible. À moins qu’on ne les y force, les enfants ne font pas la guerre. Ils ne portent pas les armes et ne tuent pas. Un enfant veut simplement jouer, apprendre et grandir. Mais pour ce faire, ils doivent se sentir en sécurité.

Malheureus­ement, et c’est horrible, c’est tout le contraire en Syrie. Les enfants sont constammen­t pris pour cible. Leurs maisons sont frappées, leurs écoles sont détruites et leurs terrains de jeu sont ensanglant­és.

Les hôpitaux sont si souvent bombardés qu’on y trouve à peine de quoi soigner les enfants blessés. Les médecins, faute de matériel médical, ne peuvent sauver que les cas qui ont le plus de chances de survie.

La pire année pour les enfants

L’année 2016 fut la pire pour les enfants en Syrie. L’UNICEF a recensé 652 enfants tués à la suite d’actes de guerre et 851 enfants recrutés par des groupes armés pour participer aux combats. À cela s’ajoute tout ce qui ne peut être chiffré: les séquelles psychologi­ques, les cauchemars et le désespoir.

En Syrie et dans la région, des milliers d’enfants sont forcés de travailler au lieu d’aller à l’école. Trop de jeunes filles sont mariées alors qu’elles sont encore enfants. Leurs parents n’ont pas d’autre option. Comme n’importe quel parent, ils souhaitent un meilleur avenir pour leurs enfants. Le travail et le mariage sont parfois les seules solutions pour contrer la pauvreté et le dénuement. […]

Lorsque je voyage dans la région, je suis touchée par la fierté des parents qui me présentent leur fille ou leur fils qui ont encore la chance d’aller à l’école. Je les admire tant pour tous leurs efforts et leurs sacrifices, et je les remercie, car ce sont ces enfants-là qui pourront aider à reconstrui­re la Syrie, une fois que les armes se tairont.

Alors, que demande l’UNICEF? D’abord, plus de fonds pour apporter l’aide nécessaire aux enfants touchés. Puis, la libre circulatio­n de nos équipes sur le terrain. Les parties au conflit doivent nous garantir un accès humanitair­e pour rejoindre les enfants en danger.

Mettons-nous, pour un instant, dans la peau d’un enfant syrien et utilisons toute la peur, l’injustice et la faim que nous ressentons pour agir. Exigeons que les acteurs du conflit syrien et ceux qui les appuient cessent toute attaque contre les écoles, les centres de santé, les infrastruc­tures d’eau et demandons à tous ceux qui ont de l’influence sur ce conflit de s’engager dès maintenant à protéger les enfants syriens au lieu de les attaquer.

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