Le bien-être en cadeau
Et si le bien-être animal profitait aussi aux agriculteurs? Alexandrine Rajotte remarque par exemple un accroissement de sa production laitière depuis qu’elle traite ses vaches avec douceur.
En cette période des Fêtes, La Terre s’intéresse aux entreprises agricoles qui ont fait le choix d’offrir en cadeau un peu de bien-être à leur troupeau. Si certaines mesures requièrent des investissements considérables, d’autres, qui reposent sur l’attitude de l’éleveur envers les bêtes, ne coûtent rien. Des bienfaits concrets sur la production ont été démontrés et les experts s’entendent pour dire que cela peut même contribuer positivement au bien-être de l’agriculteur.
Alexandrine Rajotte, agricultrice à Wickham dans le Centre-du-Québec, remarque que la production laitière de son entreprise a considérablement augmenté depuis qu’elle a repris le flambeau de la ferme familiale il y a un an. Son secret : maintenir le calme dans son troupeau en préconisant une manipulation douce et en limitant le bruit à l’étable.
« Même mon père le dit; les vaches n’ont jamais produit autant de lait », soutient la jeune femme, qui accorde une importance particulière au « lien de confiance » qu’elle crée avec ses animaux. « Avant de les manipuler, je m’assure que les vaches m’ont vue. Comme ça, elles ne sursautent pas. Je les touche doucement et je leur parle doucement », indique-t-elle.
Selon Steve Adam, expert en bien-être animal au regroupement Lactanet qui travaille à l’amélioration des troupeaux laitiers, le tempérament de l’humain et son attitude envers les vaches peuvent effectivement influencer la production et la qualité du lait à la ferme.
Les vaches, dit-il, sont des animaux routiniers qui n’aiment pas être pris par surprise. « Le stress chez elles bloque l’éjection du lait », ajoute l’expert. Plutôt que de crier pour dicter une consigne au bovin, ce dernier recommande de se placer derrière lui, un peu sur le côté, de sorte qu’il voie la personne qui lui parle. Après, en se déplaçant vers l’avant, le producteur pourra aussi faire avancer la vache.
Marianne Villettaz Robichaud, professeure adjointe en bien-être animal des productions durables au Département de sciences cliniques de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, précise que les méthodes de réduction du stress du troupeau s’avèrent aussi bénéfiques pour les producteurs de bovins d’engraissement en facilitant la gestion du cheptel.
Des porcs moins turbulents
Depuis qu’il a installé un jouet de stimulation dans sa pouponnière de 1 200 places, le producteur porcin Julien
Gauvin, de Saint-Denis-sur-Richelieu, en Montérégie, a plus de facilité à intervenir dans les enclos. « Les porcelets sont plus calmes et ne s’occupent pas de moi lorsque je dois faire des réparations ou aller voir un animal blessé ou malade », dit-il, ajoutant avoir aussi remarqué une baisse de l’agressivité des animaux entre eux. « Quand les porcs grossissent, ça devient souvent plus dangereux de circuler à travers eux, mais s’ils sont occupés avec le jouet, ils sont moins turbulents et c’est beaucoup plus agréable et moins stressant pour moi », confie-t-il.
Selon l’agronome Sébastien Turcotte, responsable des bâtiments et de la régie d’élevage au Centre de développement du porc du Québec, l’ajout d’une chaîne, d’un ballon ou d’un simple bout de tuyau dans l’enclos est l’une des mesures d’enrichissement les plus populaires chez les éleveurs, « parce qu’elle est efficace et abordable pour contrôler les comportements ». « Les porcs en croissance sont un peu comme des ados. Ils veulent jouer et explorer, mais s’ils ne peuvent pas le faire dans leur environnement, ils vont aller vers les autres animaux. C’est un des facteurs de la caudophagie [morsure de queue] », illustre l’agronome, qui confirme l’efficacité des jouets pour réduire de tels comportements.
Par ailleurs, il précise qu’une étude réalisée par l’Institut du porc en France a démontré que la productivité des truies en gestation pourrait être améliorée lorsqu’elles ont accès à des objets d’enrichissement et que le producteur adopte une attitude agréable avec elles. « En les flattant ou en les grattant derrière les oreilles de temps en temps, un peu comme on fait avec un chien, les truies seraient plus en confiance et donneraient plus de bébés, en plus de les sevrer plus rapidement », résume M. Turcotte.