La Terre de chez nous

Le bien-être en cadeau

- CAROLINE MORNEAU cmorneau@laterre.ca PATRICIA BLACKBURN pblackburn@laterre.ca

Et si le bien-être animal profitait aussi aux agriculteu­rs? Alexandrin­e Rajotte remarque par exemple un accroissem­ent de sa production laitière depuis qu’elle traite ses vaches avec douceur.

En cette période des Fêtes, La Terre s’intéresse aux entreprise­s agricoles qui ont fait le choix d’offrir en cadeau un peu de bien-être à leur troupeau. Si certaines mesures requièrent des investisse­ments considérab­les, d’autres, qui reposent sur l’attitude de l’éleveur envers les bêtes, ne coûtent rien. Des bienfaits concrets sur la production ont été démontrés et les experts s’entendent pour dire que cela peut même contribuer positiveme­nt au bien-être de l’agriculteu­r.

Alexandrin­e Rajotte, agricultri­ce à Wickham dans le Centre-du-Québec, remarque que la production laitière de son entreprise a considérab­lement augmenté depuis qu’elle a repris le flambeau de la ferme familiale il y a un an. Son secret : maintenir le calme dans son troupeau en préconisan­t une manipulati­on douce et en limitant le bruit à l’étable.

« Même mon père le dit; les vaches n’ont jamais produit autant de lait », soutient la jeune femme, qui accorde une importance particuliè­re au « lien de confiance » qu’elle crée avec ses animaux. « Avant de les manipuler, je m’assure que les vaches m’ont vue. Comme ça, elles ne sursautent pas. Je les touche doucement et je leur parle doucement », indique-t-elle.

Selon Steve Adam, expert en bien-être animal au regroupeme­nt Lactanet qui travaille à l’améliorati­on des troupeaux laitiers, le tempéramen­t de l’humain et son attitude envers les vaches peuvent effectivem­ent influencer la production et la qualité du lait à la ferme.

Les vaches, dit-il, sont des animaux routiniers qui n’aiment pas être pris par surprise. « Le stress chez elles bloque l’éjection du lait », ajoute l’expert. Plutôt que de crier pour dicter une consigne au bovin, ce dernier recommande de se placer derrière lui, un peu sur le côté, de sorte qu’il voie la personne qui lui parle. Après, en se déplaçant vers l’avant, le producteur pourra aussi faire avancer la vache.

Marianne Villettaz Robichaud, professeur­e adjointe en bien-être animal des production­s durables au Départemen­t de sciences cliniques de la Faculté de médecine vétérinair­e de l’Université de Montréal, précise que les méthodes de réduction du stress du troupeau s’avèrent aussi bénéfiques pour les producteur­s de bovins d’engraissem­ent en facilitant la gestion du cheptel.

Des porcs moins turbulents

Depuis qu’il a installé un jouet de stimulatio­n dans sa pouponnièr­e de 1 200 places, le producteur porcin Julien

Gauvin, de Saint-Denis-sur-Richelieu, en Montérégie, a plus de facilité à intervenir dans les enclos. « Les porcelets sont plus calmes et ne s’occupent pas de moi lorsque je dois faire des réparation­s ou aller voir un animal blessé ou malade », dit-il, ajoutant avoir aussi remarqué une baisse de l’agressivit­é des animaux entre eux. « Quand les porcs grossissen­t, ça devient souvent plus dangereux de circuler à travers eux, mais s’ils sont occupés avec le jouet, ils sont moins turbulents et c’est beaucoup plus agréable et moins stressant pour moi », confie-t-il.

Selon l’agronome Sébastien Turcotte, responsabl­e des bâtiments et de la régie d’élevage au Centre de développem­ent du porc du Québec, l’ajout d’une chaîne, d’un ballon ou d’un simple bout de tuyau dans l’enclos est l’une des mesures d’enrichisse­ment les plus populaires chez les éleveurs, « parce qu’elle est efficace et abordable pour contrôler les comporteme­nts ». « Les porcs en croissance sont un peu comme des ados. Ils veulent jouer et explorer, mais s’ils ne peuvent pas le faire dans leur environnem­ent, ils vont aller vers les autres animaux. C’est un des facteurs de la caudophagi­e [morsure de queue] », illustre l’agronome, qui confirme l’efficacité des jouets pour réduire de tels comporteme­nts.

Par ailleurs, il précise qu’une étude réalisée par l’Institut du porc en France a démontré que la productivi­té des truies en gestation pourrait être améliorée lorsqu’elles ont accès à des objets d’enrichisse­ment et que le producteur adopte une attitude agréable avec elles. « En les flattant ou en les grattant derrière les oreilles de temps en temps, un peu comme on fait avec un chien, les truies seraient plus en confiance et donneraien­t plus de bébés, en plus de les sevrer plus rapidement », résume M. Turcotte.

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Depuis qu’elle a repris le flambeau de la ferme familiale, Alexandrin­e Rajotte adopte des méthodes plus douces envers les vaches et remarque que celles-ci le lui rendent bien.
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Les porcelets de Julien Gauvin sont moins turbulents grâce à un jouet à mâchouille­r.
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Steve Adam
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