Vendre du bois en pleine épidémie de tordeuse
RIMOUSKI — Contrôler l’épidémie de tordeuse de bourgeons de l’épinette (TBE) pourrait bien s’avérer impossible dans les endroits déjà infestés. Il faudra donc une stratégie pour éviter de perdre le bois des arbres qui vont mourir, tout en évitant de faire chuter le prix.
Il s’agit là d’une des conclusions de conférences sur la TBE et de l’assemblée générale annuelle (AGA) de la Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ) qui se tenaient les 8 et 9 juin derniers.
« Ce qui ressort, c’est l’urgence d’agir. C’est cependant inévitable, on va perdre du bois », a déclaré Yves Lachapelle, responsable du dossier approvisionnement au Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) et conférencier devant la FPFQ. Ce dernier propose aux producteurs d’« aller ensemble au fédéral » afin de réclamer un soutien équivalent à ce qui avait été obtenu lors de la dernière épidémie dans les années 1980. Le représentant du CIFQ préconise aussi une « récolte préventive » pour éviter de se retrouver avec trop de bois mort ainsi qu’une protection qui s’avère nécessaire pour certaines catégories de forêts de plus grande valeur.
« La SOPFIM est prête », a d’ailleurs affirmé Jean-Yves Arsenault, directeur général de la Société de protection des forêts contre les insectes et maladies. Cet organisme financé par le gouvernement et l’industrie forestière n’a pas le mandat, pour le moment, de préserver les boisés privés même s’il s’agit de plantations entretenues depuis des années et qui feront partie de l’approvisionnement futur des usines. Un projet pilote d’arrosage à l’insecticide biologique par hélicoptère a été mené au Saguenay–Lac-Saint-Jean et un producteur reprochait à la SOPFIM et au ministère des Forêts de ne même pas avoir partagé leur expertise.
Un plan d’action ministériel pour la TBE existe et contient un volet pour la lutte directe et un autre pour la récupération et la mise en marché du bois. Le financement de tels programmes pour la forêt privée n’est toutefois pas assuré aujourd’hui. Le dernier budget fédéral ne contenait pas d’enveloppe à ce sujet et il faudra un « dossier bien préparé » pour justifier l’intervention de Québec dans l’état actuel des finances publiques.
La Fédération souhaite d’ailleurs jouer un rôle de coordination de la lutte à la tordeuse pour la partie qui concerne la forêt privée, comme ç’a été le cas avec les programmes des années 1980.
Ajuster l’offre de la forêt publique
« Le ministère pourrait moduler l’offre de la forêt publique », a soutenu Pierre-Maurice Gagnon, président de la FPFQ, en entrevue avec la Terre en marge de l’assemblée. Sans cet ajustement, il risque en effet d’y avoir un déluge de bois de récolte préventive ou de bois de récupération de la forêt publique qui rendrait impossible l’écoulement du bois de la forêt privée qui doit pourtant, en principe, être utilisé en premier selon le principe de résidualité.
Le président de la Fédération fait valoir que le prix n’est pas si différent puisque la forêt publique permet un approvisionnement de 60 à 65 $ du mètre cube livré à l’usine contre 60 à 70 $ pour la forêt privée. C’est en moyenne de 3 à 4 $ de plus le mètre cube, mais le bois privé représente beaucoup moins de gestion pour l’industrie qui ne fait que passer sa commande et n’a à s’occuper de rien d’autre. Selon les chiffres de la Fédération, la capacité de production de la forêt privée est de quelque 8,5 millions de mètres cubes par année et le volume réel récolté tourne autour de 6 millions de mètres cubes. Le bois de tordeuse de la forêt publique pourrait cependant nuire à cette situation qui n’est déjà pas optimale pour les producteurs de bois.