Le rêve d'un magasin envers et contre tout
Bien qu’ils aient ouvert leur magasin en pleine pandémie, Mohammed Achraf Tarafi et Anis Benchidmia, originaires du même village au Maroc, ne se découragent pas et continuent d’approvisionner leur épicerie, Casablanca Food Market, avec des produits du Maghreb. (1)
Lorsqu’en novembre dernier, le gouvernement manitobain annonçait des mesures sanitaires plus strictes pour endiguer la pandémie, les deux entrepreneurs ne se sont pas réjouis.
« On avait lancé notre activité, on commençait à se faire connaître et les livraisons étaient régulières. On avait même ajouté de nouveaux produits, des produits cosmétiques.
« Mais avec la hausse des cas, les gens avaient davantage d’anxiété à sortir et à faire leurs épiceries. Désormais, ça va mieux. »
Les copropriétaires se connaissaient bien avant de se lancer dans cette entreprise. Mohammed Achraf Tarafi précise :
« On travaillait ensemble dans un centre d’appel et on a eu l’idée de lancer notre propre commerce. »
Anis Benchidmia ajoute : « On avait d’abord l’idée d’ouvrir un coffee shop. Mais la pandémie est arrivée et nous a obligés à revoir notre projet. Et puis on s’est rendu compte qu’à Saint-boniface, il n’y avait rien pour desservir la communauté maghrébine du quartier. Les commerces dans notre genre nécessitent une voiture. »
Mohammed Achraf Tarafi est installé depuis cinq ans et Anis Benchidmia depuis un an. Mohammed Achraf Tarafi revient sur son parcours jusqu’au Manitoba. « J’ai gradué du lycée. Et puis je voulais quitter le Maroc. J’aurais pu aller à Montréal, mais j’avais envie d’autre chose. Et surtout, je voulais apprendre l’anglais.
« J’avais entendu parler de Toronto et des autres grosses villes. Ça ne m’intéressait pas vraiment. Je préfère Winnipeg, c’est une ville à taille humaine et plus calme. Mon frère vit également ici. »
Pour sa part, Anis Benchidmia, est tombé un peu par hasard sur le Manitoba. « J’ai découvert la province sur un groupe Facebook. J’ai commencé à me renseigner sur les démarches à suivre. C’était l’une des provinces où elles étaient assez simples à faire. Je suis venu en visite exploratoire en 2017 et le Manitoba a accepté mon dossier pour devenir résident permanent. »
Ouvrir un commerce en pleine pandémie n’est pas une mince affaire. Les copropriétaires en sont évidemment très conscients.
Anis Benchidmia : « Toutes les démarches administratives devaient se faire en ligne. Il n’y avait jamais personne à rencontrer, puisque la plupart du temps les employés faisaient du télétravail.
« Aussi, une partie des organismes qui soutiennent les entrepreneurs étaient occupés à appuyer leurs clients pour qu’ils ne ferment pas leurs portes.
« Mais il faut remarquer que Joel Lemoine du CDEM a été une aide précieuse. Il a très souvent pu répondre à nos questions et il nous a beaucoup aiguillés.
« Et puis à cause de la pandémie, il y a moins de monde qui travaille dans le port de Montréal. Alors on avait des retards de marchandises. Il y a aussi eu une grève en octobre, qui a fait qu’on avait deux semaines d’attente supplémentaires pour recevoir la marchandise. »
Une fois passées les démarches administratives, l’établissement comme tel du commerce s’avère compliqué. Mohammed Achraf Tarafi remarque que « pour démarrer en affaires, nous avons investi de nos fonds propres. Nous n’avons pas sollicité de financement externe.
« Nous misons beaucoup sur le bouche à oreille. Beaucoup de clients viennent chez nous parce qu’on leur a dit que nos produits étaient de qualité. C’est une bonne chose.
« Nous voulons une clientèle diversifiée, pas seulement la communauté maghrébine. Il y a des gens qui viennent parce qu’ils ont déjà voyagé au Maroc ou ailleurs et qu’ils connaissent bien les produits.
« On veut aussi répondre à un besoin spécifique à SaintBoniface. L’université de SaintBoniface accueille beaucoup d’étudiants internationaux et faire ses épiceries, ce n’est pas toujours évident à Winnipeg. Il faut absolument une voiture. À mon avis, Saint-boniface est un désert alimentaire en dehors de Safeway, No Frills, et Bothwell Cheese. »
Pour l’avenir, les deux copropriétaires se disent attentifs aux retours des clients pour savoir dans quelle direction ajuster l’offre de produits.
« On veut satisfaire nos clients. Alors on les questionne sur ce qu’ils aimeraient trouver de plus dans le magasin. »
(1) Au 129 rue Marion, là où se trouvait La Boutique du livre, .