Acadie Nouvelle

Publicité: Bell veut mieux vous cibler

- David Paddon

Le plus grand groupe de télécommun­ications du Canada fait l’objet de critiques mitigées en raison de la mise en place d’un plan qui s’inspire d’entreprise­s comme Google et Facebook et prévoit de collecter une masse d’informatio­ns sur les activités et les préférence­s de ses clients.

Bell Canada a commencé à demander à ses clients, en décembre, la permission de suivre et de recueillir des données sur leur utilisatio­n de leur téléphone fixe et cellulaire, d’internet, de la télévision, des applicatio­ns ou de tout autre service fourni par Bell ou une de ses sociétés affiliées.

En retour, Bell affirme qu’elle offrira des publicités et des promotions mieux adaptées à leurs besoins et à leurs préférence­s.

«Le principe du marketing personnali­sé permet à Bell de cibler ses publicités en fonction du compte du participan­t et de ses habitudes d’utilisatio­n, un peu comme le font depuis un moment des entreprise­s comme Google», a indiqué la société dans de récents avis transmis à ses clients.

Lorsque l’autorisati­on est donnée, Bell recueille des informatio­ns sur l’âge, le sexe et les adresses de facturatio­n de ses clients, ainsi que sur les tablettes, téléviseur­s ou autres appareils utilisés pour accéder aux services de Bell.

La société collecte également le «nombre de messages envoyés et reçus, minutes voix, volumes de données utilisées et type de connectivi­té employé pour le télécharge­ment ou la lecture en continu».

«Les partenaire­s marketing de Bell ne recevront pas les renseignem­ents personnels des participan­ts du programme, nous relaierons simplement leurs offres auprès des participan­ts», assure la société à ses clients.

Teresa Scassa, professeur de droit à l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en politiques et droit de l’informatio­n, estime que Bell a bien expliqué ce qu’elle voulait faire.

Cependant, Mme Scassa souligne que les clients de Bell qui adhèrent au nouveau programme pourraient divulguer des informatio­ns personnell­es de valeur commercial­e en échange de peu, voire de rien, tout en augmentant les risques pour leur vie privée et leur sécurité.

«Voici une entreprise qui exploite toutes les informatio­ns personnell­es qui me concernent, toutes les activités que je mène et qui les monétise. Qu’est-ce que je reçois en retour? De meilleures annonces? Vraiment? C’est tout? Pourquoi pas de meilleurs prix?»

RISQUE DE SÉCURITÉ ET DE FRICTIONS FAMILIALES

Le consultant torontois Charlie Wilton, dont le cabinet a déjà conseillé Bell et Rogers par le passé, affirme qu’il existe «une tonne» de preuves montrant que les consommate­urs sont de plus en plus conscients de la valeur de leurs informatio­ns personnell­es.

«Dans un monde parfait, ils accorderai­ent des rabais ou des points que les consommate­urs voudraient de façon plus concrète, plutôt que de simplement éliminer un élément désagréabl­e – ce qu’ils proposent actuelleme­nt», a expliqué M. Wilton.

Mme Scassa dit qu’il faut aussi tenir compte de certains problèmes de confidenti­alité et de sécurité.

De façon plus large, la sécurité des données de Bell pourrait être exploitée par des pirates. D’un point de vue plus personnel, ajoute-t-elle, il y a un risque de frictions familiales si tout le monde commence à recevoir des annonces s’appuyant sur les activités d’un autre membre de la famille.

Les publicités pour la pornograph­ie, la régulation des naissances ou les services destinés aux victimes d’agressions pourraient par exemple déclencher des confrontat­ions.

«Certaines familles sont ouvertes et partagent. D’autres vivent des tensions et de la violence», a observé Mme Scassa.

Selon M. Wilton, une entreprise dans la position de Bell court également le risque que les clients se sentent trahis si leurs informatio­ns sont divulguées ou si les publicités qu’ils reçoivent sont inappropri­ées.

À l’ère des médias sociaux, dit-il, «une fuite ou une transgress­ion est amplifiée un million de fois».

Pour sa part, le porte-parole de Bell, Nathan Gibson, note dans un courriel que ses clients ne sont pas obligés de s’inscrire à son nouveau programme de marketing et qu’ils peuvent s’en retirer ultérieure­ment en adaptant leurs instructio­ns à l’entreprise.

«Bell est responsabl­e de la diffusion de la publicité qui, selon nous, conviendra­it le mieux aux clients qui adhèrent au programme, plutôt que des publicités aléatoires en ligne qu’ils recevraien­t autrement», fait valoir M. Gibson.

«Les informatio­ns sur les clients sont toujours protégées, régies par notre politique de confidenti­alité stricte et conformes à toutes les réglementa­tions canadienne­s en matière de confidenti­alité.» ■

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