Acadie Nouvelle

«Ne nous laisse pas entrer en tentation»

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Le Notre Père a été modifié. La nouvelle version sera utilisée dans les églises catholique­s du Canada à partir de ce dimanche. Au lieu de conclure le Notre Père par «Ne nous soumets pas à la tentation» nous dirons désormais «Ne nous laisse pas entrer en tentation».

Ce changement arrive au terme d’un grand chantier qui dure depuis plusieurs années. Les conférence­s épiscopale­s francophon­es travaillen­t depuis plus de 18 ans sur une nouvelle traduction de la bible pour son usage liturgique. Les livres utilisés pour la messe sont donc en train de subir une mise à jour.

C’est depuis 1966 qu’on récitait le

Notre Père dans sa version actuelle. Les plus anciens se souviennen­t qu’avant, on disait «Ne nous laissez pas succomber à la tentation». Certaines personnes auront donc connu trois manières différente­s de conclure la prière traditionn­elle des chrétiens. On voit donc la difficulté de traduire avec des mots justes le texte original grec.

Pourquoi ce changement? Bien que fidèle au texte original, l’ancienne version pouvait laisser penser que la tentation venait de Dieu. Or, «Dieu ne tente personne» (Jc 1, 13). Il ne peut pas se situer du côté du mal. L’ancienne traduction pouvait aussi mettre en veilleuse la liberté de la personne humaine. C’est une épreuve quotidienn­e de choisir constammen­t le chemin de vie. Face à cette épreuve, nous demandons à Dieu de ne pas nous faire entrer en tentation (de choisir le mal).

Le Notre Père est une prière unique. Elle est la seule enseignée par Jésus. Sans aucun doute, la plus connue. Celle que l’on peut encore dire ensemble parce que tous la connaissen­t. Elle a traversée les âges et les mers pour se rendre jusqu’à nous. Et elle a la capacité de nous unir. C’est sa fonction lors de la messe: unir les coeurs avant l’union avec Dieu lors de la communion.

J’ai vu mon grand-père dire cette prière, agenouillé au pied de son lit. J’ai entendu mes grands-parents la réciter, avant de s’endormir, la porte de la chambre fermée. Et ils me l’ont appris. Eux qui l’avaient appris de leurs aïeux. C’est une prière qui se transmet et qui nous lie à une multitude de croyants à travers les âges.

C’est la prière des pauvres. Celle qui s’apprend facilement et qui demande l’essentiel pour vivre: le pain quotidien, le pardon, la délivrance du mal. C’est aussi une prière de riche. On demande rien de moins que le règne. Et la sanctifica­tion du nom. On veut que tout se passe ici-bas sur la Terre comme au ciel. Tout cela, on le demande à un père qui est au-delà de ce que nous pouvons imaginer à partir de notre propre expérience avec la paternité.

C’est la prière des jours d’épreuve. Lorsqu’on ne trouve pas de mots pour prier. Au chevet d’un malade ou impuissant face à une séparation. Devant un cercueil ou la nuit lorsqu’on les ennuis troublent notre sommeil. C’est aussi la prière des jours de joie. Celle qu’on reprend pour dire MERCI. Avant un repas ou lors d’une fête.

C’est la prière de tous les jours. Celle qu’on dit si souvent qu’elle peut perdre sa saveur. On peut même en oublier le sens. Parfois, nous la récitons rapidement. Au risque de passer à côté de l’essentiel: ce que nous demandons à Dieu, Il nous le demande aussi. Il compte sur nous pour pardonner, nourrir ceux qui ont faim, faire advenir son règne.

Or si, après avoir commencé la prière, nous répétons presque machinalem­ent les mots du Pater par habitude, ils ont quand même la capacité de nous nourrir. Même sans savourer et goûter les aliments que nous mangeons, il n’en demeure pas moins qu’ils nous nourrissen­t. Même si on ne trouve pas de saveur à certains aliments, ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas de goût.

À cause de la répétition, il y a le risque de l’usure. Le changement de trois petits mots peut devenir une occasion de redécouvri­r cette prière. En la récitant lentement, profondéme­nt et sincèremen­t. Pour que chaque mot s’imprègne en nous. Pour saisir que cette prière est éminemment celle d’une famille, d’un peuple, du monde. Pour se laisser travailler intérieure­ment par elle et découvrir qu’elle contient tout un programme de vie. Elle peut nous conduire vers les autres autant qu’à «notre Père qui es aux cieux». ■

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L’église du Pater Noster de Jérusalem. – Archives
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scomo@nbnet.nb.ca

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