ÉDITORIAL: LA TABLE EST MISE POUR BLAINE HIGGS
Un événement important est survenu vendredi matin à l’Assemblée législative. Un gouvernement a obtenu l’appui d’une majorité de députés, ce qui lui a permis de faire adopter un discours du Trône.
Cela signifie que pour la première fois en près de quatre mois - soit depuis le déclenchement des élections - nous avons en place un gouvernement en mesure de mettre en vigueur un programme législatif. Le genre de chose que des générations de NéoBrunswickois tenaient pour acquis, tant il s’agissait d’une formalité.
Mais voilà, les événements des derniers mois ont été tout sauf banals. Soixantehuit jours se sont écoulés depuis l’historique soirée électorale à l’issue de laquelle les progressistes-conservateurs n’ont remporté qu’un seul siège de plus que leurs adversaires libéraux.
Le chef libéral Brian Gallant avait quand même tenté de se maintenir au pouvoir. Mais comme nous avons pu depuis le constater, assermenter un conseil des ministres et livrer un discours du Trône n’est pas suffisant. Il faut aussi pouvoir compter sur une majorité d’élus provinciaux.
Vendredi matin, le nouveau premier ministre Blaine Higgs y est parvenu, avec l’aide des trois députés de la People’s Alliance. Nous voici enfin arrivés à la fin de cette saga politique.
L’opposition libérale avait tendu un piège au gouvernement en ajoutant un amendement au discours du Trône dans lequel elle réclamait le maintien du moratoire sur la fracturation hydraulique en vigueur depuis quatre ans.
Le gouvernement a toutefois eu le dernier mot en ajoutant un sous-amendement pour ouvrir la porte à la levée du moratoire dans les environs de la ville de Sussex. Cela a suffi non seulement à obtenir l’appui de l’Alliance, mais aussi celui d’un député libéral de la région de Saint-Jean, Gerry Lowe.
M. Lowe, les autres députés libéraux et les verts ont ensuite voté contre le discours du Trône conservateur, mais en vain. Il a été adopté à 25 voix contre 23. Qu’est-ce que cela signifie concrètement? À court terme, le gouvernement progressiste-conservateur est bien en selle.
Blaine Higgs a promis au cours de la campagne électorale un gouvernement qui dépensera mieux.
Il entend éliminer rapidement le déficit budgétaire, réduire le fardeau fiscal des citoyens et des entreprises en plus de réviser certains programmes mis en place par le gouvernement libéral précédent.
Le détail de ses intentions n’est pas clair. La vision générale, par contre, l’est comme de l’eau de roche et l’a toujours été. À partir du moment où il jouit de la confiance de la législature, comme c’est le cas pour le moment, il a la légitimité d’agir comme promis.
Dans son discours qui a précédé les votes de vendredi matin, Blaine Higgs s’est inspiré de l’ancien président américain Ronald Reagan, qui avait déclaré que le gouvernement n’est pas la solution, mais le problème.
La plupart des politiciens de droite, aux États-Unis comme au Canada, ont depuis adopté cette idéologie: diminuer l’importance du gouvernement, réduire les dépenses et baisser les impôts.
M. Higgs a poursuivi dans cette veine, vendredi, en déclarant que la population s’est fait dire pendant des années que «le gouvernement va nous sauver» en subventionnant les entreprises, en dépensant plus et en lançant de nouveaux programmes. «Nous nous demandons rarement si toutes ces dépenses et les taxes requises causent plutôt le problème», a-t-il dit, avant d’affirmer ne pas croire que seul le gouvernement peut améliorer le sort des citoyens.
La table est mise.
Insistons sur le fait qu’il n’y a rien de problématique avec cela. Blaine Higgs n’a jamais fait semblant que son gouvernement serait la continuité de celui des libéraux ou même de celui de David Alward, dont il a pourtant été le ministre des Finances.
Des décisions seront prises. Plusieurs d’entre elles seront très impopulaires. Les dépenses en santé, par exemple, représentent environ 40% du budget provincial. Il est difficile de concevoir un scénario où le gouvernement Higgs n’imposera pas de compressions dans ce secteur.
Les députés provinciaux recommenceront à siéger à compter du 11 décembre, alors qu’un budget sera déposé au printemps.
Quand il mettra en place ses priorités, le premier ministre devra se rappeler qu’il n’est pas à la tête d’un gouvernement majoritaire. Même avec l’appui de la People’s Alliance, il ne peut pas prétendre que son programme d’austérité est partagé par la majorité de la population ou même des électeurs. L’opposition libérale a d’ailleurs obtenu le plus de votes le soir des élections.
Personne ne s’attend à ce que le gouvernement Higgs dirige de la même manière que le feraient les libéraux ou les verts.
Nous souhaitons toutefois le voir gouverner en tenant compte du fait qu’une majorité d’électeurs n’ont pas voté pour sa formation politique, et non en priorisant uniquement les intérêts conservateurs et alliancistes.