Le Canada et le réchauffement climatique
Le gouvernement Trudeau a-t-il réellement l’intention de respecter son engagement en ce qui a trait aux taux d’émissions de gaz à effet de serre et rencontrer la cible fixée par l’Entente de Paris (2015)? Chose certaine, ses projets de développement de l’industrie pétrolière sont diamétralement opposés au plan d’action annoncé pour contrer le réchauffement climatique.
Déjà, le Canada dépasse largement un niveau d’émissions d’oxyde de carbone jugé acceptable par l’ONU et ne semble pas prendre au sérieux les avertissements de désastres imminents annoncés dans le récent rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) le 8 octobre dernier.
Le 21 octobre, le premier ministre Trudeau déclarait, à l’émission Tout le monde en parle, son intention d’aller de l’avant avec le projet d’oléoduc Trans Mountain. Le lendemain, on apprenait qu’il se préparait à entamer des pourparlers avec le gouvernement américain dans le but de lever le moratoire sur l’exploration pétrolière dans l’Arctique, qui a été imposé en 2016. Déjà, Trump a déclaré qu’il autorisera les forages dans la zone américaine de la mer de Beaufort. Justin Trudeau projette également d’entreprendre des négociations avec les Autochtones et les Inuits du Grand Nord dans le but de permettre l’exploration pétrolière côtière de la région Arctique. Quant à lui, le Parti conservateur du Canada rêve de ressusciter le projet Énergie Est s’il prend le pouvoir en octobre 2019.
La nationalisation du projet Trans Mountain au coût de 4,5 milliards $, le 29 mai 2018, a confirmé l’intransigeance du gouvernement Trudeau et sa détermination de tripler la capacité d’acheminement du pétrole à partir des sables bitumineux de l’Alberta jusqu’à Burnaby, en Colombie-Britannique, par voie du réseau d’oléoducs. Ce qui signifie accroître substantiellement l’extraction du pétrole de ces sables, un processus déjà extrêmement polluant et très avare d’eau et d’énergie.
Pourtant, toutes les études sérieuses concluent que l’exploitation des ressources pétrolières et la protection de l’environnement sont incompatibles.
Il va sans dire que le projet Trans Mountain multipliera les chances de déversements accidentels, tant en mer que sur terre. En effet, on estime que le nombre de pétroliers transitant par la Colombie-Britannique passera alors de 60 à 400. Des dizaines de déversements de produits pétroliers sont déjà rapportés chaque année sur le territoire Canadien. En 2015 seulement, on rapportait deux déversements majeurs au large de la côte ouest-canadienne. En janvier 2017, le déversement de 200 000 litres de pétrole brut sur des terres agricoles de la Saskatchewan a semé la consternation dans la population de la province. En décembre de la même année, 800 000 litres de pétrole s’échappent d’une fuite dans l’oléoduc Keystone, obligeant la fermeture temporaire du réseau pour y effectuer des réparations, une des 60 instances, au moins, où ce système d’oléoduc a dû subir des réparations depuis 1975. Les dégâts d’un seul déversement majeur peuvent occasionner des coûts se chiffrant dans les milliards de dollars, annihilant tout espoir de bénéfices pécuniaires aux consommateurs, sans compter les dommages irréparables à l’environnement.
Le transport de produits pétroliers ou de gaz naturel par pipeline ne sera jamais complètement sécuritaire. On se rappellera qu’en 2016, 121,3 millions de mètres cubes, l’équivalent de 100 000 tonnes, de gaz naturel se sont échappés d’un bris d’une conduite, en Californie.
La taxe sur le carbone imposée par le gouvernement fédéral changera-t-elle la donne? Rien n’est moins certain. Il semble évident que les industries polluantes seront peu enclines à investir les ressources nécessaires pour modifier leur mode de production au point de rendre désuète l’utilisation des énergies fossiles. Ils vont plutôt payer la taxe exigée tout en continuant à polluer et refiler la note aux consommateurs.
Le consommateur moyen ne changera probablement pas ses habitudes de consommation pour autant. L’histoire du carburant automobile nous en fournit un bon indice: au cours des vingt dernières années, le prix est passé de 55 cents à 1.30$ le litre sans diminuer pour autant la demande en carburant ni l’achalandage des véhicules récréatifs sur nos routes.
Je doute que le 4,3 cents le litre que veut imposer le gouvernement fédéral comme taxe sur le carbone amène les citoyens de la province à modifier leurs habitudes de consommation de façon significative dans l’espoir de diminuer le rythme du réchauffement climatique. D’autant plus que la majorité des familles recevront du gouvernement fédéral une compensation monétaire en contrepartie.
J’ai peu d’espoir qu’une taxe sur la pollution exercera une influence positive sur l’état de la situation. Il en faudra bien plus.
Le prochain sommet de l’ONU sur les changements climatiques est prévu pour septembre 2019. Quel sera alors le bilan du Canada? ■