Acadie Nouvelle

L’OMC doit se réinventer sous l’ère Trump

- James McCarten

À première vue, cela ressemble à un autre rassemblem­ent politique poussiéreu­x, avec un ordre du jour d’un ennui insupporta­ble - des systèmes de règlement des différends, le processus de nomination des organes d’appel et des solutions plurilatér­ales au lien entre commerce internatio­nal et développem­ent.

On en convient. Les problèmes existentie­ls auxquels fait face l’Organisati­on mondiale du Commerce ont rarement fait l’objet de grands titres.

Mais cette semaine, à Ottawa, la réunion de deux jours sur la meilleure façon d’accélérer la réforme de l’OMC aura autant à voir avec Donald Trump, les guerres commercial­es mondiales et les innombrabl­es réfugiés tentant de se frayer un chemin vers les ÉtatsUnis qu’avec des plénières, l’approvisio­nnement et la propriété intellectu­elle.

Et pour une fois, le temps presse, a déclaré le directeur général adjoint de l’OMC.

«Les progrès à l’OMC ont été glaciaires - et en réalité, les glaciers ne restent même pas là où ils le devraient. Ils sont en train de reculer. Donc, les progrès glaciaires ne sont pas acceptable­s, a déclaré Alan Wolff lors d’une table ronde cette semaine à Washington. C’est une sorte de saut en longueur pour réussir quelque chose, par opposition à un effort de longue haleine.»

À l’instar de l’ordre internatio­nal fondé sur des règles qu’elle représente, l’OMC - une institutio­n longtemps dénigrée pour sa lourdeur et sa lenteur - est assiégée par l’administra­tion Trump, qui ne cache pas son mépris pour les convention­s commercial­es internatio­nales.

Les États-Unis ont ouvertemen­t bloqué la nomination de nouveaux juges au mécanisme de règlement des différends de l’OMC, appelé organe d’appel, une tactique qui menace de paralyser l’organisati­on et de l’empêcher de prendre des décisions.

«L’impasse dans laquelle se trouvent les membres de l’organe d’appel risque de mettre un terme à tout le système de règlement des différends», prévient un document de discussion canadien de huit pages obtenu par La Presse canadienne.

C’est en grande partie la raison pour laquelle ni les États-Unis ni la Chine, l’autre éléphant commercial du monde et la principale source de préoccupat­ion des États-Unis pour le commerce, ne seront pas dans la salle mercredi, lorsque 13 pays, dont le Canada, se seront réunis à Ottawa pour discuter de la meilleure façon d’amener l’OMC au XXIe siècle.

«Je pense qu’il existe des solutions à la querelle Chine-États-Unis, a déclaré M. Wolff. Je pense qu’il y a un terrain d’entente, et on peut le trouver.»

Stephen de Boer, l’ambassadeu­r du Canada et son représenta­nt permanent auprès de l’OMC, a déclaré que le sommet de cette semaine sera axé sur trois thèmes principaux, visant à rechercher «des moyens concrets et concrets d’améliorer le fonctionne­ment et les fonctions de l’OMC à court, à moyen et à long terme». Ces thèmes: la sauvegarde et le renforceme­nt du système de règlement des différends, l’améliorati­on de l’efficience et de l’efficacité de la fonction de surveillan­ce de l’OMC et la modernisat­ion des règles commercial­es pour le XXIe siècle.

La réforme sera une «tâche extrêmemen­t difficile», une tâche qui se fait attendre depuis longtemps, car une part croissante de la richesse mondiale a quitté l’Ouest industrial­isé, a-t-il déclaré.

«Ce changement laisse les pouvoirs traditionn­els avec un dilemme: comment allonsnous nous comporter quand nous ne dominerons plus?, a demandé M. de Boer a demandé. C’est la dure vérité: alors que la puissance relative des puissances traditionn­elles décline invariable­ment, le moment est venu où, plus que jamais, nous devons mettre de côté l’idée que ce sont les plus puissants qui ont raison.» Entre en scène M. Trump, qui a découvert le pouvoir des droits de douane punitifs - prélevés au nom de la sécurité nationale - pour permettre d’obtenir des conditions commercial­es favorables à la table des négociatio­ns, même après la conclusion d’un accord de principe.

Le Canada et le Mexique continuent de ressentir les effets des droits de douane prévus à l’article 232 par M. Trump sur les importatio­ns d’acier et d’aluminium, alors que trois semaines se sont écoulées depuis que les trois pays ont finalement forgé leur successeur à l’ALÉNA, le nouvel accord américano-mexicain-canadien.

Cela s’explique en partie par le fait que le président connaît le pouvoir de ces droits de douane et pourrait être réticent à y renoncer - ce qui signifie qu’une action commercial­e de style Trump est une réalité qui ne va pas disparaîtr­e de sitôt, a prévenu Dan Ujczo, un spécialist­e du commerce internatio­nal basé en Ohio et un partenaire du cabinet d’avocats Dickinson-Wright.

En effet, M. Trump a déjà laissé entendre qu’une explosion du nombre de migrants sud-américains arrivant aux États-Unis par le biais du Mexique était plus prioritair­e pour lui que le nouvel accord commercial, suggérant dans un micromessa­ge cette semaine que l’accord pourrait être compromis si le Mexique ne les garde pas loin de sa frontière nord.

«Les répercussi­ons de tout cela sont de portée mondiale, a dit M. Ujczo, et M. Trump pourrait décider de maintenir les tarifs en place pour le moment s’il souhaite continuer à les utiliser comme levier. ■

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– Associated Press: Natacha Pisarenko

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