Une motion controversée contre l’islamophobie divise à Ottawa
La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, ne craint pas qu’Ottawa vive son moment Bouchard-Taylor en ouvrant la «difficile» conversation sur l’islamophobie.
Entourée d’une soixantaine de membres du caucus libéral, elle a annoncé mercredi que le gouvernement appuyait une motion qui mandaterait un comité parlementaire pour étudier la question.
La ministre Joly n’a pas voulu dire explicitement si elle craignait que l’exercice n’entraîne des dérapages comme ceux qui ont émaillé les audiences de la commission Bouchard-Taylor.
Elle a préféré vanter le «courage» et le «leadership» du gouvernement libéral, qui est prêt à lancer les discussions en sachant qu’elles seront «difficiles».
La controversée motion, a insisté Mme Joly, est «importante», car «on est dans une société qui respecte l’inclusion, la diversité, et qui est fondée sur des valeurs de multiculturalisme».
Et l’«instrumentalisation qu’en font certains» est à condamner, a soutenu la députée montréalaise, selon qui la motion «n’a rien à voir avec la liberté d’expression».
Des députés conservateurs ont exprimé mercredi matin leur réticence à se ranger derrière la motion M-103, qui a été déposée en décembre dernier par la députée libérale d’arrière-ban Iqra Khalid.
Le candidat à la direction conservatrice Andrew Scheer a accusé le gouvernement d’exploiter cet enjeu à des fins politiques.
«Les libéraux jouent la politique d’identité (et cherchent à) diviser notre société. Pour moi, c’est une mauvaise motion», a-t-il plaidé en mêlée de presse avant la réunion hebdomadaire de son caucus.
Le député saskatchewanais a précisé qu’il aimerait une motion «plus inclusive» qui condamnerait la discrimination contre toutes les religions et non seulement l’islamophobie.
Son collègue Maxime Bernier, de son côté, s’inquiète des atteintes à la liberté d’expression qui pourraient découler de l’adoption de cette motion et a d’ores et déjà annoncé qu’il voterait contre.
Quant au chef intérimaire bloquiste Rhéal Fortin, il estime que le texte de la motion va trop loin en parlant de «racisme et de discrimination religieuse systémiques».
Le débat sur la motion, intitulée «Racisme et discrimination religieuse systémiques», doit s’amorcer mercredi en début de soirée à la Chambre des communes.
La ministre Joly s’est dite convaincue qu’elle obtiendra l’appui de la vaste majorité du caucus libéral, sans préciser s’il s’agirait d’un vote libre.
Croisé dans les couloirs du parlement, le whip du gouvernement, Pablo Rodriguez, a plus tard soutenu que les élus pourraient voter selon leur conscience, à l’exception des membres du cabinet.
LA MOTION M-103
Que, de l’avis de la Chambre, le gouvernement devrait :
a) reconnaître qu’il faille endiguer le climat de haine et de peur qui s’installe dans la population;
b) condamner l’islamophobie et toutes les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques et prendre acte de la pétition e-411 à la Chambre des communes, ainsi que des problèmes qu’elle a soulevés;
c) demander que le Comité permanent du patrimoine canadien entreprenne une étude sur la façon dont le gouvernement pourrait (i) établir une approche pangouvernementale pour la réduction ou l’élimination du racisme et de la discrimination religieuse systémiques, dont l’islamophobie, au Canada, tout en assurant l’adoption de politiques fondées sur les faits, qui soient d’application globale et axées sur la communauté, (ii) recueillir des données pour contextualiser les rapports sur les crimes haineux et pour évaluer les besoins des communautés touchées; le Comité devrait présenter ses conclusions et ses recommandations à la Chambre dans les 240 jours civils suivant l’adoption de la présente motion, pourvu que, dans son rapport, le Comité devrait formuler des recommandations que pourra appliquer le gouvernement afin de mettre davantage en valeur les droits et libertés garantis dans les lois constitutionnelles, y compris la Charte canadienne des droits et libertés.