Kedgwick repousse l’adoption d’un arrêté interdisant l’épandage d’herbicides
Craignant d’éventuelles poursuites judiciaires, la Communauté rurale de Kedgwick désire étudier en profondeur les impacts d’un éventuel arrêté municipal visant à interdire l’épandage d’herbicides sur son territoire.
C’est avec enthousiasme que le conseil de la communauté rurale avait accepté, en juin, d’entreprendre des démarches afin de rédiger un arrêté destiné à interdire l’épandage d’herbicides dans les forêts privées et publiques situées dans ses limites.
Cette décision découlait d’une pétition présentée par un regroupement de citoyens, laquelle démontrait, sans l’ombre d’un doute, l’opposition de la population face à cette pratique. Dans les faits, 98,5 % des 1100 citoyens rencontrés s’étaient prononcés contre l’arrosage.
À la suite au dépôt de cette pétition, la municipalité avait mandaté un comité composé de membres du conseil et de citoyens d’étudier la question afin de développer un arrêté municipal.
Mardi soir toutefois, les citoyens ont claqué la porte de ce comité, jugeant que celui-ci s’est graduellement détourné de son objectif initial.
«Notre but est simple: on veut arrêter l’épandage de produits chimiques dans nos forêts, pas débattre de la question. On ne veut pas entendre les spécialistes ou l’industrie nous vanter les bienfaits de ces produits», a lancé André Potvin, porte-parole du comité.
Lors de la séance du conseil, le maire de Kedgwick, Jean-Paul Savoie, a réitéré qu’à son avis, l’arrosage n’était pas la meilleure pratique qui soit. D’un même souffle toutefois, il a plaidé pour la prudence.
«C’est compliqué un tel arrêté municipal et aussi très délicat puisque ça touche les terres privées. Si on se ramasse en Cour parce qu’un propriétaire se sent lésé dans ses droits, notre arrêté doit être suffisamment solide pour nous assurer de la victoire. On doit aussi vérifier quelle loi à préséance pour l’épandage: notre arrêté, la loi provinciale ou même la loi fédérale? On ne va pas mettre en place un arrêté qui mettra la communauté dans le trouble», a-t-il expliqué.
Celui-ci soutient que son conseil n’abandonne pas la cause pour autant.
«Mais on doit respecter certaines étapes», précise le maire, qui désire rencontrer différents intervenants, notamment ceux du secteur forestier et les propriétaires de lots boisés privés. Il désire également s’enquérir de la situation où l’on a déjà interdit l’épandage, par exemple au Québec. «On veut savoir comment ils ont réussi à arrêter l’arrosage, quelles autres solutions ont été mises en place. Quand on aura toutes les réponses, on rencontrera la population afin de discuter d’un arrêté qui pourrait bien devenir un modèle pour le reste de la province», souligne M. Savoie.
Si le conseil de Kedgwick n’a pas tabletté l’idée d’un arrêté, le vocabulaire utilisé a quant à lui changé. On ne parle ainsi plus d’un arrêté interdisant l’épandage d’herbicide, mais plutôt d’un arrêté sur l’épandage d’herbicide. Cette nuance déplaît à plusieurs puisqu’elle entrouvre la porte à un encadrement de cette pratique plutôt qu’à son interdiction pure et simple. «On ne connaît pas encore le contenu de l’arrêté. Il sera déterminé par les recherches, par les recommandations, par notre compréhension», ajoute le maire.
Ce dernier espère récolter toutes ces informations et proposer un arrêté d’ici le printemps, soit avant les élections municipales. «Si on réussit, tant mieux. Sinon la décision reviendra au prochain conseil et la population pourra se faire entendre lors de l’élection. Mais nous, pour l’instant, on n’est pas à l’aise avec un tel arrêté sans consulter d’abord», affirme M. Savoie.
Dans la foule, plusieurs citoyens n’ont pas caché leur déception devant à la décision du conseil de repousser l’adoption d’un arrêté sur l’épandage, certains accusant les élus de jouer le jeu des forestières et de ne pas prendre au sérieux la volonté de la population.
«Une pétition, ce n’est ni un référendum ni une loi», a nuancé le maire devant à ces attaques.
«On peut faire dire n’importe quoi à une pétition. Si on vient me voir et que l’on me dit: Êtes-vous pour ou contre l’épandage de glysophate dans nos forêts, un produit donnant possiblement le cancer? C’est certain que ça m’interpelle, car je ne veux pas de cancer. Mais il faut aussi connaître quelles sont les implications d’une telle interdiction. Cela dit, on a tout de même pris au sérieux cette pétition», assure-t-il.