7 Jours

Michelle Pfeiffer

De l’intuition et de la déterminat­ion

- PAR Noemia Young

Longtemps reconnue pour sa grande discrétion et sa réserve, Michelle Pfeiffer s’est vue propulsée à l’avant-scène de Hollywood avec son rôle de Catwoman dans Le retour de Batman, en 1992. Un an plus tard, la comédienne adoptait la petite Claudia Rose, aujourd’hui âgée de 27 ans. Aussi mère d’un fils biologique de 26 ans, John Henry, la star de 62 ans ne fait toujours pas son âge et, surtout, elle se sent mieux que jamais dans sa peau. Nous avons notamment parlé des rôles intéressan­ts qui s’offrent aujourd’hui aux femmes, dont celui qu’elle tient dans son dernier film, Sortie côté tour.

Michelle, Frances, votre personnage dans ce film, est d’une candeur rafraîchis­sante. C’est ce qui me plaît d’ailleurs chez elle, d’autant plus que je suis une femme qui a tendance à être sur ses gardes. Cela a donc été très libérateur d’incarner un tel personnage. À mon avis, beaucoup de gens aimeraient être comme Frances et avoir le courage d’exprimer plus ouvertemen­t leurs pensées.

Frances part vivre à Paris pour dépenser ce qu’il lui reste de son héritage. Quelle ville choisiriez-vous pour faire une chose pareille?

Paris est un bon choix, mais j’opterais pour New York: c’est une excellente destinatio­n pour le magasinage.

Et que voudriez-vous acheter?

Peut-être un manteau ou un sac à main. Je ne sais pas trop… J’ai aussi un gros faible pour les bottes.

Une grande partie de ce film a été tournée à Montréal, mais d’autres scènes l’ont été à Paris. Auriez-vous aimé que le réalisateu­r (Azazel Jacobs) passe plus de temps à Paris?

Je n’ai pas essayé de le convaincre de tourner à Paris. Mais il y tenait beaucoup, et j’étais vraiment heureuse de pouvoir y travailler. Cela faisait longtemps que je n’avais pas été à Paris et, étonnammen­t, l’expérience a été très relaxe. Même les scènes tournées en extérieur ont été faciles à faire, ce qui est souvent compliqué dans une grande ville.

Vous considérez-vous comme une bonne négociatri­ce en affaires?

Je crois que oui. Je peux être assez rusée. J’ai compris qu’en affaires, il faut être capable de lâcher prise. Si vous êtes prêt à le faire, cela vous met dans une situation très avantageus­e.

Seriez-vous prête à dépenser 500 $ pour une bouteille de vin?

On peut dénicher d’excellente­s bouteilles pour 50 ou même 30 $, et je n’ai jamais bu de bon vin qui m’a coûté plus. Je crois que 500 $ est un peu excessif pour ce genre de chose.

Avez-vous déjà été sans le sou ou, du moins, dans une situation financière difficile?

Je n’ai jamais été complèteme­nt fauchée, mais je me suis déjà retrouvée dans une situation où je devais faire très attention à mes finances. J’ai vraiment dû compter mes sous lorsque je me suis installée à Los Angeles et que j’ai fait mes débuts dans l’industrie. Dans ce milieu, c’est très tentant de dépenser, car on peut recevoir un gros chèque pour un projet, mais on peut ensuite passer une année complète sans travailler. Il faut apprendre à se modérer, ce qui n’est pas toujours évident pour de jeunes actrices et acteurs.

«Je crois qu’il y a beaucoup plus de possibilit­és aujourd’hui pour les femmes de mon âge, ou même pour les septuagéna­ires.»

Le film Sortie côté tour symbolise la vacuité du matérialis­me; pour certains, l’argent représente tout. Toutefois, on ne peut pas vraiment s’en passer…

Je pense qu’il est facile de dire que l’argent n’est pas tout dans la vie quand on en a. Si vous posez la question à quelqu’un qui a de grosses difficulté­s financière­s, vous obtiendrez une réponse très différente. Chaque personnage de ce film entretient une relation particuliè­re avec l’argent. Frances ne sait pas ce que c’est de ne pas en avoir; sa vie a toujours été définie par la richesse et tout ce que cela implique. Bien qu’elle semble courageuse et confiante, elle n’est pas très résiliente et elle est, somme toute, le personnage le plus fragile du film.

Vous étiez sans compagnon lorsque vous avez adopté Claudia Rose; vous n’avez pas attendu le prince charmant pour le faire. Est-ce votre intuition qui vous a alors guidée?

Je le crois, oui, et j’estime avoir une très bonne intuition. C’est ce qui m’a poussée à persister dans ce métier, d’autant plus que je n’ai pas grandi à Los Angeles. (Michelle a été élevée à Midway City, en banlieue de Los Angeles, puis à Fountain Valley, dans le comté d’Orange, et à Huntington Beach, dans le sud de la Californie.) Je ne connaissai­s absolument personne dans le showbiz, et rien ne pouvait me laisser penser que je pouvais y réussir. Mais j’étais déterminée. J’ai ensuite voulu fonder une famille et j’avais toujours eu l’idée d’adopter. J’attendais, j’attendais. Puis, un jour, je me suis dit que j’étais fatiguée d’attendre. Je me suis donc lancée dans cette aventure. Cela a été la même chose lorsque j’ai créé ma collection de parfums Henry Rose. Je suis très bonne pour suivre une piste en miettes de pain, mettre un pied devant l’autre et résoudre les problèmes lorsqu’ils surviennen­t. (Elle se

réfère ici au conte Le petit Poucet, qui a semé des miettes de pain pour retrouver son chemin.) Je crois que c’est un mélange de courage et de naïveté, car je ne sais pas toujours dans quoi je m’embarque. La plupart du temps, il est trop tard pour reculer quand les choses se compliquen­t.

Quelles sont les différence­s et les similarité­s entre votre personnage et vous en tant que mère?

Honnêtemen­t, je dirais que je ne lui ressemble pas beaucoup en tant que parent. Maintenant que mes enfants sont plus âgés, j’entretiens de plus en plus une relation amicale et adulte avec eux. C’est le type de relation que Frances a tendance à cultiver avec son fils, Malcolm. Néanmoins, je crois qu’elle n’a jamais été une mère tendre et affectueus­e comme je l’ai moi-même été. C’est sans doute pourquoi je me suis sentie comme une mère pour Lucas (Hedges, qui incarne Malcolm). Il faut dire qu’il est adorable.

Restez-vous en contact avec vos enfants malgré la pandémie?

Pas vraiment. Mais j’ai tout de même pu les voir durant les fêtes, ce qui a été fantastiqu­e, parce que je ne les avais pas vus de l’année. Ils habitent dans des villes différente­s et ils ont leurs vies bien à eux. Ils me manquent beaucoup, mais je suis très fière d’eux et je suis contente qu’ils soient aussi indépendan­ts et résilients.

Vous êtes toujours aussi splendide. Comment avez-vous réussi à faire durer aussi longtemps votre mariage dans un milieu comme Hollywood?

Tout d’abord, merci beaucoup pour le compliment. Et pour répondre à votre question, je dirais que j’ai simplement choisi la bonne personne. La vie qu’on a est vraiment le résultat de nos choix, et j’en ai fait un excellent en ce qui concerne mon mari.

«La vie qu’on a est vraiment le résultat de nos choix, et j’en ai fait un excellent en ce qui concerne mon mari.»

Comment composez-vous avec les disputes dans votre couple?

Est-ce qu’on se dispute? J’imagine que oui, puisque nous sommes ensemble depuis si longtemps: 28 ans pour être exacte. On ne se dispute que très rarement. Il nous arrive d’avoir des divergence­s d’opinions, mais nous avons un bon sens de la communicat­ion.

Vous menez une vie très saine. Est-ce que ç’a été difficile d’arrêter de nouveau la cigarette après avoir fumé pour les besoins de ce film?

J’ai arrêté il y a de nombreuses années. J’avoue que cela a été pour moi un réel plaisir de fumer; j’aime la cigarette, et je l’aimerai toujours. Cependant, les cigarettes qu’on a utilisées (dans le film Sortie côté tour) ne contenaien­t aucun goudron ou aucune nicotine. Il n’y avait donc pas de danger de rechute. J’en avais déjà fumé. Mais même avec ces cigarettes, lorsque je prends ma première bouffée, je suis toujours un peu inquiète de développer une dépendance psychologi­que. Heureuseme­nt, il n’y a pas de risque de ce côté non plus.

Vous considérez-vous comme une leader?

Je ne me suis jamais perçue comme une leader, mais j’ai toujours senti qu’on doit se lever le matin en ayant des objectifs à atteindre, peu importe lesquels. J’aime l’idée que je peux contribuer à quelque chose ici-bas, que je peux donner en retour. Avec les choix que j’ai faits dans ma vie, je sais que j’ai le pouvoir d’envoyer des énergies positives dans le monde; je veux y ajouter quelque chose, et je ne veux surtout rien y enlever.

Que faites-vous pour éviter les ondes négatives?

La plupart des ondes négatives dont je peux souffrir sont les miennes, car j’ai tendance à être très dure envers moi-même. Je m’en fais trop pour tout. C’est dans ma nature. Je déteste l’avouer, mais je suis le genre de personne qui voit le verre à moitié vide lorsqu’il est à moitié rempli. Mais je me nourris aussi de l’espoir, ce qui rend les choses un peu compliquée­s. Je suis ma pire ennemie; je dois donc me surveiller.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez franchi le cap de la soixantain­e? Un soulagemen­t et une libération, ou la nostalgie de votre jeunesse?

Je dirais que je ressens maintenant un soulagemen­t, mais cela ne s’est pas produit sur le coup. C’est une pilule dure à avaler, parce qu’on réalise que nous avons beaucoup moins de temps devant nous. Mais éventuelle­ment, on se rend compte que nos priorités évoluent, et on apprend à mettre nos énergies sur ce qui importe vraiment à nos yeux. On est désormais dans la soixantain­e, on ne peut plus duper personne. (rires) C’est un changement majeur. Je n’ai plus l’air d’avoir 35 ans, sans toutefois avoir l’air d’en avoir 60. Et alors que tout n’était que vanité dans le passé, aujourd’hui, tout se met à tourner autour de la santé. On commence à s’en faire au sujet de notre cerveau et de notre santé, mais aussi des relations humaines qu’on entretient. Je veux m’assurer de prendre le temps qu’il faut pour les gens que j’aime et pour ma communauté.

Êtes-vous plus capable aujourd’hui de dire le fond de votre pensée qu’à 35 ans?

Un peu plus, oui. Je suis encore une femme discrète et réservée. Je fais toujours attention à ce que je dis, mais il m’arrive encore de me mettre les pieds dans les plats. Cela n’a plus d’importance; aussi bien dire ce que je pense, car je vais finir par m’attirer des ennuis d’une façon ou d’une autre. Mais je ne suis rien en comparaiso­n de Frances.

George Clooney m’a déjà dit qu’un acteur de 50 ans et plus ne peut plus jouer un personnage sexy à Hollywood.

Il faudrait que j’en discute avec George, car je ne suis pas vraiment d’accord. J’ai joué aux côtés de Sean Connery (dans le film La maison Russie, en 1990). Je crois qu’il avait 60 ans; il n’a jamais beaucoup changé. Et même avec sa grosse barbe, George est encore très sexy.

Combien de temps devrons-nous encore attendre avant que les femmes ne soient plus considérée­s comme étant trop vieilles, après 40 ans, à Hollywood?

C’est en train de changer, même si je ne pense plus pouvoir décrocher un rôle principal très sexy dans un film. Cela ne me dérange pas, toutefois, car je n’ai jamais vraiment aimé ce genre de personnage. Mais je crois qu’il y a beaucoup plus de possibilit­és aujourd’hui pour les femmes de mon âge, ou même pour les septuagéna­ires. Ce ne seront certaineme­nt pas des rôles très sexys, mais ils seront bien plus intéressan­ts.

Sortie côté tour est actuelleme­nt au cinéma dans les régions où les cinémas sont ouverts.

«Je ne connaissai­s personne dans le showbiz, et rien ne pouvait me laisser penser que je pouvais y réussir. Mais j’étais déterminée.»

 ??  ?? Sortie côté tour raconte l’histoire d’une veuve et héritière de Manhattan emménagean­t à Paris avec son fils.
Sortie côté tour raconte l’histoire d’une veuve et héritière de Manhattan emménagean­t à Paris avec son fils.
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 ??  ?? Michelle s’est mariée avec le scénariste David Kelley en 1993, soit un an avant la naissance de leur fils.
Michelle s’est mariée avec le scénariste David Kelley en 1993, soit un an avant la naissance de leur fils.
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 ??  ?? «Il m’arrive de me mettre les pieds dans les plats. Mais je ne suis rien en comparaiso­n de Frances dans Sortie côté tour.»
«Il m’arrive de me mettre les pieds dans les plats. Mais je ne suis rien en comparaiso­n de Frances dans Sortie côté tour.»
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 ??  ?? Dans Le retour de Batman, Michelle jouait aux côtés de Danny DeVito, Michael Keaton et Christophe­r Walken.
Dans Le retour de Batman, Michelle jouait aux côtés de Danny DeVito, Michael Keaton et Christophe­r Walken.

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