7 Jours

«MON PÈRE, C’ETAIT MON IDOLE» — MARIO TESSIER

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Mario Tessier a de quoi se réjouir: il sera à la barre du Gala Artis, qui aura lieu au printemps prochain. Voilà un événement qu’il aurait aimé partager avec son père, décédé alors qu’il n’avait que 19 ans. Vingt-deux ans plus tard, Jean-Louis Tessier vit toujours dans la mémoire de son fils, qui s’adresse à lui tous les jours.

Mario, c’est à toi qu’on a confié l’animation du prochain Gala Artis. Est-ce une belle marque de confiance à tes yeux? Oui, je suis vraiment content; c’est un cadeau du ciel! C’est un travail exigeant, mais j’ai accepté d’emblée et j’ai décidé de me laisser guider par le plaisir. Je vais collaborer encore avec l’équipe d’On connaît la chanson, le producteur et idéateur Éric Belley, et les recherchis­tes. Je sais comment ces gens travaillen­t. La confiance de TVA m’a touché. C’est comme si un père acceptait de prêter sa voiture de collection à son fils... Avec On connaît la chanson, j’ai goûté à l’animation solo, et j’adore ça. J’ai toujours mes trucs avec Les Grandes Gueules à la radio, mais j’aime le fait d’avoir des mandats différents. José le sait depuis longtemps, et il est super content pour moi. Il a lui aussi ses projets: il revient à la barre de l’émission Les légendes de la route, sur Historia.

Es-tu stressé à l’idée d’animer seul ce gala? Non. Ce n’est pas un one man show; je suis au service de l’émission que j’anime. Je veux mettre les artistes en valeur, faire en sorte qu’ils soient sous les projecteur­s. Je serai là pour le public. Le Gala Artis, c’est notre gala le plus glamour au Québec; c’est notre Festival de Cannes! C’est une soirée télé qui nous fait rêver... En animation, je favorise ce que j’appelle la courbe Walt Disney: on rit, on est touchés, on se promène dans différente­s sphères. Nous avons commencé les réunions. J’ai tout plein d’idées, et nous commençons à contacter des gens. Lorsque tu vis des moments exceptionn­els dans ta carrière, t’arrive-t-il de te dire que tu aurais souhaité que ton père en soit témoin? Oui, et ça ne m’arrive pas qu’occasionne­llement, ça m’arrive régulièrem­ent. J’ai la chance d’avoir encore ma mère et je suis heureux qu’elle ait vu naître mes enfants. Mon père, lui, n’était plus là, et c’est une des plus grandes peines de ma vie. J’aurais aimé qu’il voie toutes ces belles choses qui m’arrivent. Mon père, c’était mon idole. J’admire ma mère aussi. Je lui parle trois fois par semaine. J’ai eu de bons parents, qui ont contribué à faire de moi l’homme que je suis devenu. Mes parents se sont séparés lorsque j’étais très jeune. Quand j’étais enfant, ma mère me lançait parfois, d’un ton fâché: «Toi, tu es comme ton père!» et ça me réjouissai­t. J’étais heureux de l’entendre me le dire. Mon père était un homme extraordin­aire, intelligen­t, travaillan­t et gentil. Il a réussi dans la vie et, même s’il a parfois perdu,

il s’est toujours remis sur pied.

Ce n’était pas un homme banal...

Effectivem­ent, il n’était pas un homme plate. Il a parfois été en faillite, mais il a toujours remonté la pente. Il a ouvert la première discothèqu­e à Montréal, il a eu des terres, des restaurant­s, deux garages, une boucherie, une entreprise de déneigemen­t. Il a acheté un camping, qu’il a appelé le camping Mado, pour ma mère. En face, il avait acheté un lot de terres qu’il a développée­s et où les noms des rues sont Mario, Tessier, etc. À la fin de sa vie, il possédait un magasin de meubles à Beauharnoi­s. Les gens ne venaient pas qu’y faire des achats, ils venaient aussi voir mon père. Ils l’aimaient. Mille fois, mon père a dit: «Pars avec les meubles, tu reviendras me payer plus tard...» Il faisait confiance aux autres, qui le lui rendaient bien. J’entends encore des histoires de personnes que mon père a aidées.

Même aussi longtemps après son décès?

Bien qu’il soit mort il y a 22 ans, à 61 ans, ça se produit régulièrem­ent. Récemment, il m’est arrivé quelque chose d’incroyable. Lorsque mon père est décédé, je n’ai pas eu de souvenirs matériels de lui, et ça m’a toujours manqué. Un homme du Nouveau-Brunswick, Albert Godin, m’a contacté pour me dire qu’il avait connu mon père et qu’il avait quelque chose à me remettre. Il a travaillé pour mon père pendant 20 ans, et ils étaient de bons amis. Il m’a remis la montre que mon père lui avait offerte. Je vais la restaurer et la porter toujours sur moi. Quelle gentilless­e de la part de cet homme!

Éprouves-tu un sentiment d’injustice quand tu songes au fait qu’il a quitté ce monde alors que tu n’avais que 19 ans?

Oui. Je pense qu’on n’est jamais prêt pour le départ de ses parents. Quand ça arrive, c’est comme un coup de poing en plein visage. J’étais très proche de mon père. J’étais dans l’armée quand j’ai appris son décès, et on me l’a annoncé à la manière des militaires, c’est-à-dire d’une façon assez factuelle...

Avais-tu vu venir sa fin?

Non, mon père n’avait jamais été malade! Il travaillai­t encore 90 heures par semaine à 60 ans. Il était heureux quand il travaillai­t. Il avait toujours des projets! C’était un bon gars, qui avait de l’audace. Il est le meilleur vendeur que j’ai rencontré dans ma vie. Quand j’ai appris sa mort, ç’a été un grand choc! Parfois, j’ai l’impression qu’il est encore là...

De quoi est-il mort?

D’une thrombose. S’il avait passé des examens annuels, il serait probableme­nt encore là aujourd’hui. Il n’a eu aucun avertissem­ent, il est mort au volant de sa voiture. Un jeune policier a tenté de le ranimer, mais il était trop tard...

Ç’a été difficile de ne pas pouvoir lui faire tes adieux?

Oui, mais il est toujours présent en moi, car mon père m’a montré une chose dans la vie... (Mario s’arrête, ému.) Il m’a appris à dire «Je t’aime». J’essaie de faire pareil avec mes enfants: je leur dis 20 fois par jour. Mon père faisait partie de la génération des hommes qui n’étaient pas démonstrat­ifs, mais lui me répétait constammen­t qu’il m’aimait. Il était différent des autres.

Souhaites-tu devenir un père comme lui?

Absolument. Mais être parent, c’est difficile. Certains jours, je me trouve mauvais, d’autres, pas pire. Je fais une moyenne.

(sourire) Je suis intense et je vis le moment présent. Je tiens aussi ça de mon père.

Est-ce que tu regrettes que tes enfants n’aient pas eu la chance de le connaître?

J’aurais tellement aimé ça! Lui aussi, d’ailleurs. Il aurait pris du temps pour la famille. Mon père avait deux vitesses: «à l’arrêt», quand il dormait, ou «à 100 milles à l’heure», dès qu’il ouvrait l’oeil. Je suis un peu comme lui: je fais les choses intensémen­t, mais j’arrive à prendre du temps pour ma blonde et mes filles. Mon père était un amant de la vie. Tout ce qu’il réalisait, c’était comme si c’était la première fois. Par ailleurs, mon père a aussi été encanteur. Je le vois encore, micro à la main, en train de faire rire les gens. Au fond, je fais un peu la même chose que lui, mais à ma façon. Il faisait un peu du show-business...

Il n’a donc pas vu tes réalisatio­ns profession­nelles?

Non. Il m’a vu faire de l’impro à l’école et participer à des spectacles, mais j’en étais encore à l’étape du rêve. Mon père a vécu la vie de trois hommes. Je lui parle tous les jours. Certains prient Dieu, moi, je parle à mon père. Avant un show ou une émission, je lui demande de m’aider à faire en sorte que je sois le meilleur possible. Quand j’ai des décisions à prendre, je lui demande de m’éclairer. Je le remercie de la belle vie que j’ai et lui demande de veiller sur mes enfants. C’est ma prière... (Mario s’arrête et respire un bon coup avant de poursuivre.) Je veux continuer à avoir de la peine en pensant à lui, parce que le jour où je n’en aurai plus, ça voudra dire qu’il a déserté ma mémoire, et je ne veux pas que ça arrive. Alors ça ne me dérange pas d’être touché quand j’en parle. Mon père aussi était un grand émotif...

Finalement, c’est ta mère qui avait raison: tu es vraiment comme ton père!

(Rires) C’est vrai, c’est incroyable! Les comédiens sont souvent intenses. Je l’assume...

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Annie Richard Jean-Louis Tessier, le père de Mario
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son père. «Je le vois encore, micro à la main, en train de faire rire les gens... Au fond, mon père faisait un peu du showbusine­ss…»
Il ne se passe pas une journée sans que Mario ne s’adresse à son père. «Je le vois encore, micro à la main, en train de faire rire les gens... Au fond, mon père faisait un peu du showbusine­ss…»

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