Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« Naturel d’être hargneux »

L’Uruguayen Pedro Ascery a joué au Gym pendant neuf ans (1972-1981), l’ancien défenseur latéral explique pourquoi le football est une manière de vivre dans son pays

- MATHIEU FAURE

Pedro Ascery a joué dans l’une des plus belles équipes de Nice de tous les temps si on se fie à notre chef Philippe Camps. Sans doute trop ému à l’idée de parler Celeste avec le défenseur sud-américain qui a brillé pendant plus de 200 matches au Gym entre 1972 et 1981, on a récupéré la passe décisive pour tailler une bavette avec le plus Azuréen des Uruguayens. Ascery raconte son pays, son football et s’attend à un match compliqué face aux Bleus.

On a souvent caricaturé le football uruguayen comme un sport de guerriers...

Pourtant, on n’a jamais tué personne ni appelé en équipe nationale des joueurs comme Raymond Domenech (rires). C’est juste naturel d’être hargneux en Uruguay. Chez nous, quand tu perds un tournoi de baby-foot, tu es la risée de ton quartier, on est élevé comme ça. Donc au football, on joue autrement, on s’adapte et il faut systématiq­uement montrer qu’on en a entre les jambes.

A quoi ressemble le football en Uruguay ?

Je suis né à  kilomètres de Montevideo, la capitale, dans chaque village tu joues au football et tu te mets chiffon. A - ans, j’allais à l’école avec un uniforme blanc et à la récré on se rentrait dedans en jouant. On revenait en classe en sang et la maîtresse nous demandait si on avait encore joué au football (rires). C’est une habitude, une coutume presque. Chaque quartier a son équipe, tout est une compétitio­n. Quand je suis arrivé à Nice, je donnais tout à chaque entraîneme­nt et on m’a vite fait comprendre qu’il fallait me calmer. Mais en dehors du terrain, je suis très zen, comme tous les gens de mon pays. J’ai été formé au Danubio comme Cavani, Forlan ou Recoba, c’est là-bas que j’ai appris à haïr la défaite. Chez les jeunes, même quand on perdait, on devait garder la tête haute. C’est notre éducation. A  ans, on jouait les gamins qui avaient  ans pour nous mettre au défi, ça te permet d’avoir un esprit conquérant.

« Jouer chaque ballon comme si c’était le dernier »

Que représente le maillot de l’équipe nationale ? C’est une immense fierté. J’ai eu la chance de le porter trois fois dont la première fois à Madrid, au stade Calderon, contre l’Espagne de Franco en . Chez nous, le sentiment patriotiqu­e est omniprésen­t. Tous les vendredis, à l’école, on chantait l’hymne. Il faut savoir qu’il y a beaucoup d’immigrés en Uruguay, des Italiens, des Espagnols, des Basques, c’est un mélange. Quand je suis arrivé à Nice et que j’allais faire mes courses au supermarch­é, on me demandait d’où venait mon accent. Quand je disais que je venais d’Uruguay, personne ne me croyait avec ma tête blonde et mes yeux bleus (rires). Ce mélange fait notre force.

On parle souvent de la garra charrua pour définir le style

uruguayen, qu’est-ce que cela représente ?

C’est notre état d’esprit de combattant, de jouer chaque ballon comme si c’était le dernier. Ça vient de nos tripes, de notre âme. Aujourd’hui, le football uruguayen est plus technique, mais on a gardé cette malice et on chambre beaucoup. En Europe, on a souvent réduit notre football aux guerriers ou à Francescol­i mais dans les années , l’équipe de Peñarol trustait tous les titres, y compris la Coupe Interconti­nentale. Quand le Santos de Pelé venait, il n’en menait pas large. On a connu un trou d’air, entre  et , car on n’a pas voulu changer notre football. Oscar Tabarez, l’actuel sélectionn­eur de la Celeste, est arrivé en  et il a ramené une autre culture et notre football a commencé à évoluer.

A quel genre de match peut-on s’attendre face à la France ?

Ça sera très tactique. La France a besoin d’espaces et on ne va rien vous donner. Ce sera très compliqué sans Cavani mais on jouera très bas quoi qu’il arrive, on ne va pas partir la fleur au fusil. On a l’habitude de souffrir pendant  minutes, on va mettre le pied et ne faire aucun cadeau. Griezmann connaît très bien Giménez et Godin donc ils vont aller chercher le Français d’entrée. Si les Bleus marquent rapidement et qu’ils mettent de la vitesse, ce sera terminé pour nous mais on ne défendra pas aussi mal que l’Argentine.

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 ?? (Photos F. F. et DR) ?? Pedro Ascery, le plus Uruguayen des Niçois. A droite, le Gym de  (Ascery, debout, en partant de la droite).
(Photos F. F. et DR) Pedro Ascery, le plus Uruguayen des Niçois. A droite, le Gym de  (Ascery, debout, en partant de la droite).
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