Des historiens algériens saluent l’annonce de Macron
Des historiens algériens, qui ont salué l’annonce du président français de faciliter de l’accès aux archives classifiées de plus de 50 ans, notamment celles sur la Guerre de libération, ont déploré les difficultés d’accès aux archives en Algérie. «Toute ouverture d’archives est à accueillir positivement», a affirmé Fouad Soufi, historien et chercheur associé au Crasc, joint hier par téléphone. Emmanuel Macron « a pris la décision de permettre aux services d’archives de procéder dès demain (hier, ndlr) aux déclassifications des documents couverts par le secret de la Défense nationale (...) jusqu’aux dossiers de l’année 1970 incluse», a annoncé, avant-hier, l’Elysée. Avant cette annonce, les historiens algériens et français avaient de plus en plus de mal à consulter les archives datant de 1934 à 1970, a déploré notre interlocuteur. «Le président français est revenu à la loi de 2018. Il a remis les pendules à l’heure, y compris pour les documents classés ‘‘secret-défense’’ de plus de 50 ans. Mais, cela ne veut pas dire que toutes les archives seront ouvertes. Il faut tout lire pièce par pièce», a ajouté Soufi. Les archives françaises déclassifiées sur la Guerre de libération «ne seront consultables qu’en 2022», en raison des lenteurs dans la procédure de la levée du secret-défense, a relevé Fouad Soufi. Quid du contenu des archives déclassifiées ? «Elles peuvent concernées tout ce qui relève des opérations extra-Etat. Cela pourrait être aussi des opérations militaires et de la police. Dans le cas des essais nucléaires français dans le Sud algérien, on pourrait pet-être savoir leurs conséquences. Le secret de la fabrication de la bombe ne sera pas en revanche ouvert au public», a estimé Fouad Soufi.
Ce drenier qui a, par ailleurs, évoqué des difficultés d’accès aux archives en Algérie, a déploré la «fermeture» des services des Archives nationales, notamment ceux des trois grandes wilayas. «L’Etat algérien doit se pencher sur ce problème», a plaidé Soufi. Pour sa part, l’historien Amar Mohand-Amer a aussi salué l’annonce de la déclassification d’archives françaises sur la Guerre de libération, comme le préconisait le rapport de l’historien Benjamin Stora. «Tout ce qui concourt à faciliter l’accès aux archives et tout ce qui favorise la connaissance et la recherche est le bienvenu. Ces archives sont importantes pour la simple raison que des fonds immenses d’archives, qui nous concernent en tant qu’Algériens, se trouvent en France, et il est important, pour nos citoyens, que la recherche historique puisse bénéficier de ces fonds. Cette décision est bénéfique», a-t-il souligné, notant que ces archives qui seront déclassifiées vont «booster» la recherche historique en Algérie. A titre d’exemple, ces archives «vont nous permettre d’approfondir notre connaissance sur des faits, des personnages, des politiques, des stratégies, pendant la guerre et après la guerre de libération», a expliqué Amar Mohand-Amer, relevant qu’il «n’y a presque pas de travaux historiques sur la période de la 1re décennie post-indépendance».
Ceci dit, Amar Mohand-Amer a plaidé en faveur d’une stratégie de recherche s’agissant des archives. «Cela ne sert à rien que ces archives soient accessibles, si des centaines de chercheurs algériens ne puissent pas y accéder. Pour aller en France, il y a de vrais problèmes : la non-maîtrise de la langue française par beaucoup de nos chercheurs, les problèmes administratifs dont les visas et les problèmes logistiques, car le travail sur les archives prend des mois et des mois. Il ne faut pas dissocier l’ouverture de ces archives avec l’environnement de la recherche. Il faut passer à une véritable stratégie de recherche s’agissant des archives conservées en Algérie, en France et ailleurs», a insisté notre interlocuteur. Comme Fouad Soufi, Amar Mohand-Amer s’est dit «triste» par rapport à la situation des Archives en Algérie. «Il n’y a aucune stratégie sérieuse concernant les archives en Algérie. Nous sommes dans le bricolage, l’opacité et la rétention», a-t-il dénoncé.