Inadéquation avec le marché de l’emploi
L’un des critères de l’évaluation des universités est sans doute celui de l’accès au marché de l’emploi. De l’avis des spécialistes, l’université a évolué notamment avec l’introduction des
formations professionnalisantes. «Les missions des universités ne se limitent plus à la production et à la diffusion de la connaissance et des savoirs, mais s’étendent désormais de plein droit à la formation professionnelle.» Une réalité qui s’est confirmée depuis au moins une décennie au sein de l’université algérienne. Cette dernière a fait du cursus professionnalisant son credo avec l’instauration d’une palette de diplômes, particulièrement des Masters, censés répondre aux exigences du marché de l’emploi. Et partant, il est dénombré une multitude de nouvelles spécialités et filières dont celles liées aux énergies renouvelables, économie circulaire, transition énergétique et l’on passe. D’ailleurs, il existe pour la première fois un ministère des Energies renouvelables et de la Transition énergétique, ce qui devrait augurer de la place du développement durable dans la stratégie nationale. A contrario, l’insertion professionnelle des détenteurs de ces diplômes demeure la plus grande inconnue. En l’absence de statistiques exhaustives, des témoignages viennent éclairer sur le fossé entre le discours et la réalité du terrain. Master «Gestion des déchets urbains», Master «Energie solaire», Master «Economie verte» … autant de parcours académiques censés déboucher directement sur des postes d’emploi ou sur la création de start-up...
Avant même d’avoir obtenu mon diplôme, j’ai entamé plusieurs recherches d’emploi… en parallèle, j’ai un projet que j’aimerai développer, mais pour le moment, il n’y a aucune perspective», s’est désolée Roumaissa, lors de la remise de son diplôme, Master en gestion des déchets ménagers en milieu urbain. C’était en juin 2020. D’autres sont dans la même galère, depuis au moins quatre ans, à l’image du binôme Ryad et Fouad. Leur projet en écologie végétale est toujours en stand-by : «Nous avons eu quelques contacts avec des exploitants agricoles qui ont manifesté un intérêt à notre projet, sans qu’il y ait de suite».
LE RÔLE DES COLLECTIVITÉS
Les diplômes dits verts représentent une perche pour les collectivités locales à l’effet de gérer les déchets ménagers, ou industriels, assainissement, qualité de l’eau et espaces verts, entre autres. Le programme Baladiya, chapeauté par GIZ (Agence de coopération internationale allemande pour le développement) renseigne largement sur l’apport de l’université dans l’essor socio-économique des municipalités. «Les communes ne sont pas très enclines à recourir aux compétences universitaires», nous a confié un recteur ayant eu des expériences peu fructueuses en matière environnementale avec quelque unes d’entre elles. Le secteur des énergies renouvelables qui a employé 11 millions de personnes dans le monde en 2018, n’a pas encore de retombées positives sur notre pays. L’énergie solaire photovoltaïque demeure le secteur le plus porteur. Ce créneau que la stratégie nationale en matière énergétique veut consacrer est introduit dans le cursus universitaire depuis plusieurs années. Dans l’entretien qui suit, le Pr Tahar Kerbache, du département énergétique de la Faculté des sciences exactes de l’université Frères Mentouri (UFMC) livre son analyse sur ces filières dont nombreuses n’ont, selon lui, aucune incidence sur le plan économique : «Il y a un décalage entre les diplômes et la réalité du terrain, c'est un des problèmes de l'université algérienne qui ne veut pas ou ne peut pas prendre en charge les problèmes de la société.»