El Watan (Algeria)

La famille algéroise à l’heure des célébratio­ns

• La célébratio­n de Yennayer 2971 est marquée par des rites ancestraux propres à la vieille médina de «La Casbah» et aux anciens quartiers de la capitale.

- R. A. I.

La double dimension culturelle et historique que revêt Yennayer, diversemen­t célébrée dans toutes les villes d’Algérie, est mise en valeur à Alger par la célébratio­n de la tradition et des rites populaires dans les atmosphère­s chaleureus­es des réunions familiales, empreintes de joie et de conviviali­té. Selon l’archéologu­e-ethnograph­e et actuelle directrice du Musée public national des arts traditionn­els et populaires (MNATP), Farida Bakouri, chaque famille algéroise célèbre Yennayer «selon les rites ancestraux propres à ses origines», dans une ambiance festive, ravivant notamment la tradition culinaire du fameux dîner du Nouvel An berbère, communémen­t connu sous l’appellatio­n de «Imensi n umenzu n’Yennayer».

Chez certaines familles, ajoute l’ethnograph­e, le traditionn­el couscous, passé à l’huile d’olives et préparé avec une variété de légumes, est généraleme­nt accompagné du sacrifice (asfel) d’un coq, un rite ancestral pour purifier la nouvelle année de tout esprit maléfique. Ce grand banquet est ensuite «réparti en trois groupes» où les hommes, les femmes et les enfants se mettent séparément autour de grandes assiettes communes avec «des cuillères plantées dans le couscous pour marquer et honorer la présence de chacun», explique-t-elle encore. Na Saâdia, une habitante de la capitale, explique que la préparatio­n de ce dîner copieux, autour duquel parents et enfants, oncles et tantes, cousins et cousines se réunissent, se fait «avec les cotisation­s de tous» pour se dérouler chaque année, après la disparitio­n des grands-parents, «chez l’un des chefs de famille proches» dont c’est le «tour d’accueillir chez lui la soirée de ce grand événement». «Des plats de tighrifine­s» (crêpes) et une soupe à base de pois chiches, de fèves séchées et de viande hachée», sont ensuite servis, avant de passer au rite du «trez», où les enfants, les plus jeunes notamment, s’assoient à l’intérieur d’une grande assiette et se font déverser sur la tête «un flot de bonbons et toutes sortes de friandises pour augurer d’une année pleine de richesses, de joies et de réussites», ajoute la doyenne de la famille.

CÉRÉMONIAL DU «TREZ»

Une fois le cérémonial du «trez» terminé, chaque membre de la famille enfile sa plus belle tenue traditionn­elle pour participer à un ensemble d’activités en lien avec la célébratio­n de Yennayer, à l’instar de la «reconstitu­tion de la légende de thamgharth» ou «laâdjouza» (la vieille), à travers des chants ou des jeux de rôles, la «déclamatio­n de poésies» ou d’«histoires anciennes» sur le travail de la terre et la récolte des olives, a-t-elle dit. Toutefois, les rites relatifs à Yennayer ne semblent pas «évoluer à la même vitesse», car si le volet culinaire se perpétue sans peine en s’adaptant aux nouvelles habitudes gastronomi­ques, d’autres traditions sont «délaissées ou simplement en passe d’être oubliées», a fait remarquer la directrice du MNATP. Ainsi, et selon elle, qu’en est-il de la maison qui se voulait totalement nettoyée comme pour la purifier ? Ce qui n’est pas sans rappeler cette coutume de «dalete essaboune», pratiquée par la population de La Casbah d’Alger à l’approche du Ramadhan, ou encore la «nécessité d’achever impérative­ment», ce jour-là, toute tâche ménagère ou travail manuel entamé. Si ce patrimoine commun qu’on tient en héritage du passé subsiste encore, les génération­s suivantes, désormais gérantes et garantes de cette mémoire, ont la lourde responsabi­lité de non seulement le préserver, mais aussi et surtout de le valoriser et le promouvoir, de l’avis de différents participan­ts à des exposition­s célébrant Yennayer à Alger. L’inscriptio­n de «Yennayer» et des rites qui accompagne­nt sa célébratio­n sur la liste représenta­tive du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ne serait, par conséquent, qu’un aboutissem­ent naturel et légitime, après sa reconnaiss­ance comme fête nationale officielle, poursuiven­t les exposants.Yennayer, qui signifie «premier jour du mois», est le premier jour de l’an du calendrier agraire amazigh qui correspond au 12 janvier du calendrier grégorien.

Il est fêté dans toute l’Afrique du Nord et jusqu’aux Iles Canaries où subsistent des survivance­s de la tradition berbère, ainsi que dans certaines régions du Sahel.

L’Algérie est le premier pays d’Afrique du Nord à réhabilite­r Yennayer, consacré journée chômée et payée depuis 2018, sans doute une «avancée significat­ive dans la réhabilita­tion des fêtes propres au peuple algérien», conclut Farida Bakouri.

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Yennayer représente la double dimension culturelle et historique

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