Des batailles rangées qui dégénèrent en drames
VIOLENCE URBAINE INQUIÉTANTE À ALI MENDJELI (CONSTANTINE)
Un jeune de 37 ans a perdu la main lors d’une agression suite à une histoire de vol d’une somme de 2000 DA.
La vidéo d’une main coupée, tachée de sang et reposant sur le sol à côté d’une casquette, filmée par un habitant et qui a fait le tour des réseaux sociaux dans la journée de dimanche dernier, est d’une horreur insoutenable, comme dans les films d’épouvante. Seulement elle n’était pas truquée comme au cinéma, mais était bel et bien réelle. Elle a eu pour théâtre une cité située non loin du boulevard de l’Indépendance, artère principale de la nouvelle ville Ali Mendjeli, à 25 km de Constantine. Alors que des informations circulant sur les réseaux sociaux parlaient d’un règlement de comptes à l’issue duquel un jeune homme s’est vu amputer de la main avec une épée, la version officielle est tombée mardi en fin d’après-midi à travers le communiqué du procureur de la République près le tribunal d’El Khroub. Le même document indique que suite à l’agression qui a eu lieu le vendredi 18 décembre à 21h et dont a été victime B. Y., 37 ans, ayant perdu la main gauche sur les lieux et évacué vers les urgences du CHU de Constantine, les services de police ont été dépêchés sur les lieux et ont ouvert une enquête. Après son identification, le mis en cause, B. A., qui était en fuite, a été arrêté chez des proches à Sétif le dimanche 20 décembre. Quant à B. Y., il a subi une intervention chirurgicale et, après amélioration de son état de santé, a déclaré lors de son audition qu’en rentrant chez lui cette nuit-là, il avait été insulté et avait reçu des menaces de mort de la part du mis en cause, qui est passé à l’acte en voulant lui porter un coup d’épée à la tête, et c’est en voulant se protéger avec son bras qu’il a reçu le coup fatal et perdit sa main gauche, en plus d’un coup reçu au flanc gauche. Le plus choquant dans cette affaire demeure le motif pour lequel B. Y. a perdu sa main, et qui serait lié à une somme de 2000 DA dont ce dernier accusait son agresseur de l’avoir subtilisée de la poche de sa veste. Présenté mardi devant le procureur de la République près le tribunal d’El Khroub, l’auteur de cet acte, qui a reconnu les faits, a été mis sous mandat de dépôt.
UN DRAME DE PLUS
Ce drame de plus a secoué la population à Constantine et continue d’alimenter les débats dans tous les lieux publics, avec des commentaires nourris sur le phénomène de la violence qui a atteint la côte rouge, signalant qu’il y a vraiment un grand danger à Ali Mendjeli et que les autorités sont appelées à réagir fermement avant qu’on n’arrive à une criminalité qu’on croyait voir uniquement au cinéma. Désormais, avec cet acte, le phénomène de la violence est devenu indissociable de ce lieu, qui a déjà connu en juin dernier des batailles rangées d’une extrême violence entre bandes rivales, avec usage d’armes blanches et de cocktails Molotov, ayant terrorisé les habitants. Malgré tous les efforts déployés par les autorités et les services de sécurité, qui ont renforcé leur présence ces dernières années, ainsi qu’une relative accalmie qui a rendu quelque peu la confiance aux habitants, ces derniers ne cachent pas leurs craintes face au climat d’insécurité qui y règne toujours. La scène choquante de la main amputée lors de la soirée du 18 décembre n’a pas manqué aussi de provoquer de vives réactions sur la Toile. Certains ont réclamé de lourdes peines à l’encontre des auteurs de ces «délits». «Nous ne sommes plus en sécurité, nos familles et nos biens sont exposés régulièrement à tout genre de crimes. Le mal a dépassé toutes les prévisions. Cela est dû à l’absence des forces répressives et ce sera pire avec les salaires qui seront versés aux repris de justice», souligne un habitant de Ali Mendjeli. Un autre ajoute que «cette ville devient inhabitable, elle est dominée par la loi du plus fort, de l’épée, des armes, des psychotropes et des drogues». De son côté, le lieutenant Bilal Benkhlifa, chargé de la communication de la sûreté de wilaya, estime «qu’on ne peut pas parler de hausse des bagarres à l’arme blanche dans la ville Ali Mendjeli, qui compte environ 400 000 habitants». Notre interlocuteur affirme que la circonscription concernée est dotée aujourd’hui de 11 sûretés urbaines, une sûreté de daïra et quatre brigades. «Aujourd’hui, l’esprit de la population est hanté par les anciennes rixes de gangs dans la ville Ali Mendjeli. Mais la situation a beaucoup changé en raison de plusieurs facteurs, dont la réalisation des multiples infrastructures d’utilité publique, l’implication des citoyens qui dénoncent et collaborent avec la police et aussi à l’important déploiement de nos éléments qui sont actifs», a-t-il déclaré.
DES CHIFFRES QUI DONNENT FROID DANS LE DOS
Malgré les propos rassurants du responsable de la communication de la sûreté de wilaya, la situation semble très inquiétante si on en croit les chiffres. Selon M. Benkhlifa, leurs services ont traité, durant les 11 mois de l’année en cours au niveau de toute la wilaya de Constantine, plusieurs affaires partagées sur trois volets, qui sont les bagarres signalées, les opérations d’anticipation et les opérations de police. Sur le premier volet, 194 rixes ont été signalées ayant conduit à l’arrestation de 640 personnes. Pour ce qui est des opérations d’anticipation dans les délits de port d’armes, 484 affaires ont été enregistrées et 535 personnes impliquées. Le dernier volet lié aux opérations de police est le plus marquant. Il fait ressortir 13 407 actions dans 25 954 endroits, dont la majorité est située à Ali Mendjeli, El Khroub et à Constantine. Durant ces opérations, 99 453 personnes ont été mises sous surveillance, dont 17 166 ont été arrêtées, 558 accusées de port d’arme blanche et 351 sont toujours recherchées.
Face à cette agressivité qui ronge la société, quelle stratégie prévoit la sûreté de wilaya pour faire face à ce phénomène ? En réponse à notre question, le lieutenant Bilal Benkhlifa souligne qu’au niveau de chaque unité de voisinage, une sûreté urbaine est systématiquement installée, sans oublier les campagnes de sensibilisation lancées dans les établissements scolaires, ajoute-t-il. Depuis janvier 2020 jusqu’à ce jour, 593 opérations ont été menées touchant 18 287 écoliers. «Certes, les chiffres sont importants, mais je ne peux pas vous donner une comparaison avec les années précédentes. Chaque période a sa particularité et les événements qui la marquent, avec lesquels les délinquants et les dealers s’adaptent pour exercer leurs trafics», a-t-il dit. Et d’indiquer : «Mais je tiens à mettre la lumière sur l’importance du mouvement associatif dans la sensibilisation. Les comités de quartier nous ont beaucoup aidés à réduire le taux de violence dans certaines unités de voisinage. Et nous appelons également les citoyens à être plus coopératifs, en apportant leurs témoignages et en dénonçant toute forme de crimes. Ils seront protégés par nos éléments comme l’indique la loi.» Yousra Salem