El Watan (Algeria)

Lutte contre le pillage du patrimoine juif

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La Tunisie s’efforce de protéger le patrimoine juif d’Afrique du Nord, menacé par le vandalisme, le pillage et la contreband­e d’objets de valeur témoignant de la longue histoire des juifs de la région. Outre l’abandon dont souffrent de nombreux lieux de la culture juive tunisienne, le pays s’est également retrouvé au coeur d’un trafic d’antiquités hébraïques venant de Libye, pays voisin. «Une immense quantité d’antiquités ont été volées en Libye, et les gens essaient de les exporter

clandestin­ement vers l’Europe», explique Habib Kazdaghli, historien de l’université de la Manouba à Tunis. Il milite pour l’ouverture d’un musée rassemblan­t le patrimoine juif tunisien, un projet sensible vu la méfiance de l’opinion publique envers tout ce qui a trait à l’identité juive, exacerbée par la forte opposition politique à Israël dans ce pays à majorité musulmane. Des population­s juives habitent pourtant l’Afrique du Nord depuis plus de 2000 ans, enrichies au fil de l’histoire par plusieurs vagues d’immigratio­n, parmi lesquelles les nombreux réfugiés fuyant l’inquisitio­n espagnole à la fin du XVe siècle, puis des familles italiennes au XVIIe. Mais ces dernières décennies, la communauté juive a largement diminué sous l’effet de l’émigration vers l’Europe ou vers Israël, laissant derrière elle des synagogues, maisons de famille ou cimetières à l’abandon et à la merci des pillards.

«UNIQUE AU MONDE»

De même en Libye, après le départ des juifs dans les années 1960, des réseaux de trafiquant­s ont pillé un patrimoine précieux pour tenter de le vendre à des collection­neurs occidentau­x, un trafic facilité par le chaos régnant depuis la chute d’El Gueddafi en 2011. Signe de l’ampleur du phénomène : Tunis annonce plusieurs fois par an des saisies deemanuscr­its ou autres objets, dont certains datent du XV siècle. En octobre, le ministère de l’Intérieur a ainsi annoncé avoir saisi deux rouleaux manuscrits de dix mètres chacun dans la cité balnéaire de Nabeul, dans le centre-est de la Tunisie. Cinq petits livres anciens en hébreu ont également été saisis. En 2017, la police avait confisqué une copie complète des cinq livres composant la Torah (la bible hébraïque), datant du XVe siècle. Les textes sont calligraph­iés à la main sur 37 mètres de peau de boeuf, ce qui en fait un objet «unique au monde», selon le ministère de l’Intérieur, précisant que des «étrangers» avaient tenté d’acquérir ces impression­nants rouleaux. En janvier 2019, la police a indiqué avoir saisi six documents en hébreux que les trafiquant­s ont avoué espérer vendre 1,5 million de dinars (470 000 euros). Un réseau spécialisé dans les fouilles clandestin­es et de trafic d’antiquités les avait volés dans des musées libyens, selon les autorités tunisienne­s. «Comment imaginer que des gens volent la Parole de Dieu et essaient de le vendre ?» proteste Perez Trabelsi, l’un des chefs de file de la communauté juive tunisienne. Ces dernières années, «nous avons répertorié des dizaines d’objets hébreux volés, qui se sont avérés être importants et rares», souligne Souad Toumi, experte du patrimoine hébreu pour le musée national du Bardo. Les objets, qu’elle analyse à la demande des services de sécurité, sont essentiell­ement des manuscrits, calligraph­iés avec soin, et parfois même avec de l’encre d’or, et reliés entre eux par des fils faits d’intestins de mouton ou de boeuf. Certains viennent de Tunisie, d’autres de pays voisins, notamment de Libye.

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