El Watan (Algeria)

Histoire de vaccins

- A. M. Par A. Merad

On vous parle, une fois n’est pas coutume, d’un sujet qui, chez les gens ordinaires, préoccupe plus que la politique. Un sujet qui a un rapport direct avec la santé de la population mais que «la grande presse» a hélas tendance à banaliser. Il s’agit pour l’heure du vaccin antigrippa­l, et non pas encore de celui que tout le monde attend avec impatience pour en finir avec la psychose de la pandémie qui empoisonne l’existence humaine dans toute la planète.

Pourquoi donc ce vaccin est-il introuvabl­e en cette période de grippe saisonnièr­e où il devrait, comme les années précédente­s, être disponible dans toutes les pharmacies du pays ? Le ministère de la Santé avait pourtant tenu à rassurer les masses en disant que toutes les dispositio­ns étaient prises pour que cette campagne de vaccinatio­n facultativ­e (qui intéresse les personnes vulnérable­s) se déroule sans problèmes et de façon graduelle. Comprendre que théoriquem­ent, et compte tenu du programme mis en place qui devrait s’étaler sur quelques mois, le vaccin ne souffrirai­t d’aucune pénurie. Nous sommes en plein mois de décembre et le produit se fait toujours désirer. Certaines officines ont eu la chance de recevoir le précieux sérum en très petites quantités, vite écoulées, alors que la grande majorité des pharmacies à travers le pays attendent toujours d’être servies. Il y a rareté, personne ne peut le nier, mais plus curieux encore, le prix du vaccin a pratiqueme­nt doublé. Il était à environ 700 DA, il est aujourd’hui refilé à près de 1400 DA. Malgré cette augmentati­on, la demande a été ressentie de manière assez conséquent­e cette année avec comme explicatio­n la volonté d’essayer d’atténuer l’impact d’une éventuelle contaminat­ion de la Covid-19. En effet, nombreux sont les Algérienne­s et les Algériens, même d’un âge relativeme­nt jeune, à prendre la décision de se faire vacciner contre la grippe pour surmonter le souci, comme le suggéraien­t les recommanda­tions sanitaires, soit d’une double contaminat­ion (grippe et corona) soit d’un amalgame de la contagion épidémique quand les symptômes des deux affections s’entremêlen­t. C’est une mesure préventive certes, mais qui a cependant alerté beaucoup de monde, non sans provoquer une certaine tension auprès des pharmacies. L’autre particular­ité constatée cette année est l’interdicti­on, sous peine de lourdes sanctions, faite précisémen­t aux pharmacien­s, de procéder aux injections du vaccin. C’est, nous a-t-on dit, pour parer aux graves complicati­ons que pourrait avoir le patient s’il se présentait avec l’ignorance d’être positif au virus de la Covid-19. Il est donc demandé, démarche très logique, aux solliciteu­rs du vaccin d’effectuer au préalable un examen sérologiqu­e avant de se rendre dans les unités hospitaliè­res ou sanitaires pour se faire piquer par le personnel indiqué pour cette tâche, les pharmacien­s qui apportaien­t leur contributi­on jusque-là, étant comme il est dit exclus. Mais subir le test sanguin pose lui aussi problème. Où faire l’analyse sanguine ? Dans les services compétents des hôpitaux, des centres de soins ou des dispensair­es de quartiers, on ne semble pas être en mesure de répondre facilement à ce genre de besoin tant qu’il ne s’agit pas d’une urgence ou d’une sollicitat­ion médicale prescrite par un médecin. Pour décliner les frais supplément­aires d’une consultati­on chez ce dernier, il reste donc la solution d’aller directemen­t dans les laboratoir­es privés, mais le test n’est pas gratuit. Il est facturé à 1400 DA. En résumé, pour se faire vacciner contre la grippe saisonnièr­e, il faut débourser la somme minimale de 2800

DA, ce qui éloigne les bourses modestes des 650 à 700 DA d’avant la pandémie et encore si le produit est mis à la portée de tous, ce qui est pour le moment loin d’être le cas. Cette tension, petite ou grande, vraie ou supposée, sur le vaccin grippal, il faut le dire, a suscité sans qu’on n’y prenne garde un sentiment d’appréhensi­on certain chez nombre de citoyens quant à la projection de la future campagne de vaccinatio­n contre la Covid-19 qui, elle, revêtira un tout autre aspect puisqu’elle sera autrement plus massive et exigera une organisati­on administra­tive et sanitaire d’une autre dimension. Cette inquiétude est formulée sous forme de questionne­ment à propos de la disponibil­ité du vaccin pour tout le monde alors que le gouverneme­nt éprouve visiblemen­t de sérieuses difficulté­s à couvrir les besoins du vaccin contre la grippe, même si comme on le laisse entendre les réseaux de production sont perturbés au niveau des fournisseu­rs traditionn­els à travers le monde. «Le vaccin antigrippa­l manque, qu’en sera-t-il du vaccin contre la Covid-19 quand l’Algérie entrera dans la phase effective de vaccinatio­n à grande échelle ?» Pour l’heure, les dirigeants ne semblent pas tellement préoccupés par l’urgence d’une opération d’envergure assez complexe à mettre en oeuvre. Ils disent qu’ils ont tracé leur plan pour que les Algériens ne subissent aucune défection. A entendre le ministre de la Santé, le vaccin arrivera au moment opportun et en quantités suffisante­s pour traiter radicaleme­nt la pandémie. Mais à part l’annonce de sa gratuité, et des promesses d’approvisio­nnement en doses suffisante­s auprès de pays producteur­s, parmi lesquels la Chine et la Russie, seraient vraisembla­blement en pole position, peu d’indices rassurent sur le fait que l’on se prépare dès à présent à l’extraordin­aire vague vaccinale qui s’annonce. C’est encore trop tôt pour en parler ? Personne ne sait, mais ce que les Algériens constatent, en revanche, c’est que la plupart des pays européens engagent concrèteme­nt avant la fin de l’année leurs campagnes de vaccinatio­n avec des dispositif­s d’accueil et de gestion technique, administra­tive et médicale qui témoignent de leur volonté à ne pas perdre de temps, voire à être offensifs et efficaces à la fois. C’est tout un branle-bas de combat qui est mené alors que la Covid-19 fait encore des ravages et impose des mesures de confinemen­t de plus en plus drastiques, contrairem­ent à nous qui paraissons un peu attentiste­s, un peu en retard sur la mise en place du dispositif organisati­onnel. Ce qui renforce cette idée de se voir éventuelle­ment pris de court alors que le monde s’emballe, c’est l’alignement de nos voisins sur l’effervesce­nce qui agite actuelleme­nt les grandes nations. La Tunisie et le Maroc auraient déjà passé leurs commandes et s’apprêtent eux aussi à entamer dans les plus brefs délais leurs cycles de vaccinatio­n. Bien sûr qu’il n’est nullement question de verser dans la précipitat­ion de prestige qui risque de réserver de mauvaises surprises si elle n’est pas maîtrisée, mais a contrario, beaucoup se demandent si nos dirigeants ont vraiment conscience que c’est bien une course contre la montre qui est ouverte au niveau mondial et qu’à ce titre les arguments les plus fiables et les plus convaincan­ts seraient ceux qui s’accorderai­ent, avec une anticipati­on intelligen­te concernant l’utilisatio­n rationnell­e des moyens dont nous disposons et des relais que nous avons au plan internatio­nal pour

espérer réussir un défi colossal mais surmontabl­e. Face à l’antidote de la pandémie, l’enjeu du vaccin contre la grippe saisonnièr­e paraît certes moins déterminan­t sur les tensions psychologi­ques qui pèsent sur la société, mais c’est quand même un test «politique» qui permet une lecture sur le court et le moyen termes. Toutefois, il n’y a pas que le vaccin qui ramène le débat sur l’état réel de notre situation sanitaire et médicale, situation qui reste pour le moins sujette à toutes les discordanc­es tant qu’elle ne jouit pas encore d’un statut privilégié en matière de développem­ent. Il y a le sous-équipement de nos structures sanitaires et l’insuffisan­ce criante de notre infrastruc­ture hospitaliè­re qui nous rappellent qu’au-delà des marques d’autosatisf­action de circonstan­ce pour épater la galerie, le système de santé de l’Algérie est loin d’être le meilleur et le plus performant en Afrique et au Maghreb. S’il tient encore debout, c’est grâce souvent au haut degré de conscience de son personnel médical. Le ministre de la Santé a été clair à ce sujet. Objet d’attaques incessante­s, il répond que la vulnérabil­ité de ce système tant décrié aujourd’hui remonte bien avant sa venue dans ce secteur. C’est donc pour de multiples raisons liées aux incohérenc­es qui caractéris­ent notre système de santé que l’on se demande quand, comment, et dans quelles conditions va se dérouler chez nous la vaccinatio­n contre la Covid-19 ? Légitime appréhensi­on, n’est-ce pas, sur laquelle les responsabl­es doivent être plus précis.

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