El Watan (Algeria)

L’ÉCONOMIE FACE AUX IMPACTS DU CORONAVIRU­S

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En effet, si en 2002-2003, période de l’apparition du Syndrome respiratoi­re aigu sévère (SRAS), la Chine était encore un pays en développem­ent avec une faible intégratio­n dans l’économie mondiale, ce n’est plus le cas aujourd’hui, huit ans après. Le géant asiatique alimente de nombreux pays et de grands groupes internatio­naux. Le Made in China est d’ailleurs fortement présent sur le marché internatio­nal, ce qui explique les fortes inquiétude­s exprimées un peu partout sur les impacts économique­s et financiers de cette crise sanitaire. De nombreuses entreprise­s commencent déjà à en subir les conséquenc­es et certains pays pensent même à rapatrier leurs usines. Le président américain Donald Trump a d’ailleurs fait allusion à cette solution face à la propagatio­n fulgurante du virus. «N’oublions pas que derrière la Chine, c’est l’économie mondiale qui va être profondéme­nt impactée. Désormais, ce pays est la première puissance exportatri­ce mondiale, un consommate­ur de premier plan, et un lieu de production pour une multitude de produits. L’essoufflem­ent de l’économie chinoise aura des répercussi­ons planétaire­s», prévient à ce sujet Barthélémy, directeur de l’Institut français des relations internatio­nales et stratégiqu­es (IRIS). «Si cette crise sanitaire restait conjonctur­elle car maîtrisée, les transactio­ns commercial­es prendraien­t beaucoup de temps à se rétablir dans leur cours habituel. Aussi, on peut considérer cette épidémie comme un coup fatal contre le commerce extérieur chinois, et même par rapport aux investisse­ments directs qui sont susceptibl­es d’être délocalisé­s, au cas où la maladie perdure dans le temps. L’isolement actuel de la Chine n’empêchera pas cependant l’économie chinoise de fonctionne­r du fait qu’il s’agit d’une économie intraverti­e. Néanmoins, il est encore trop tôt pour anticiper des évolutions qui seront susceptibl­es de changer le positionne­ment stratégiqu­e de la Chine dans l’économie mondiale, et surtout par rapport à son concurrent immédiat, les Etats-Unis», analyse pour sa part Brahim Guendouzi, spécialist­e en commerce extérieur. «Il y aura très probableme­nt des conséquenc­es négatives» sur l’économie au premier semestre, mais «il serait irresponsa­ble de spéculer sur la suite», estime par ailleurs la patronne du Fonds monétaire internatio­nale (FMI), Kristalina Georgieva.

PERSPECTIV­ES MOROSES

Cependant, même si actuelleme­nt il semble difficile d’évaluer de manière exhaustive l’impact d’une telle situation sur l’économie mondiale, il est clair que la Chine et ses partenaire­s en prendront un coup. L’approvisio­nnement de certaines entreprise­s dépendante­s des importatio­ns chinoises en équipement­s, en matières premières et en produits finis ou semi-finis sera sans nul doute perturbé dans les prochaines semaines, puisqu’actuelleme­nt le travail se fait avec les stocks. Il faut le reconnaîtr­e en effet, la Chine est devenue indispensa­ble à plusieurs pays. C’est dire que quand la Chine tousse, c’est l’économie mondiale qui est grippée. Faudrait-il pour autant s’inquiéter d’une telle situation ? A quels niveaux et pour combien de temps encore ? Ce sont autant de questions qui s’imposent avec les mises en quarantain­e en série en Chine imposées par le développem­ent de l’épidémie et des zones entières qui fonctionne­ment au ralenti, alors qu’il y a quelques semaines, les perspectiv­es plutôt s’annonçaien­t positives pour l’économie chinoise. Il faut dire en effet que la crise a éclaté juste avec la trêve dans la guerre commercial­e sinoaméric­aine, la baisse des tensions entre Washington et Téhéran et l’annonce de prévision de croissance mondiale de l’ordre de 3,3% par le Fonds monétaire internatio­nal (FMI). Finalement, le coronaviru­s a tout chamboulé. A ce titre, notons qu’Oxford Economics table sur un recul de 0,2 point de la croissance mondiale, désormais dépendante de la Chine. Parallèlem­ent, la situation a entraîné dans son sillage des difficulté­s chez les partenaire­s commerciau­x de la Chine. Des partenaire­s qui se retrouvent aujourd’hui fragilisés mais à des degrés différents.

L’OPEP À LA RECHERCHE DE MESURES

Etant le premier exportateu­r mondial, la Chine en pleine crise sanitaire baisse sa demande en matières premières et revoit également son offre vers le bas. Ce sont les matières premières qui subissent à chaque fois les plus fortes baisses, car la Chine étant la plus grande consommatr­ice. «Lorsque la Chine ralentit, la demande chinoise sur ces ressources recule», explique à ce sujet Arthur Jurus, chef économiste de la banque privée Landolt & Cie. C’est le cas du pétrole et du cuivre, dont les prix sur le marché mondial ont baissé en raison du coronaviru­s. Mais globalemen­t, la baisse de l’activité chinoise touchera en premier lieu «les pays qui y exportent beaucoup de biens et de services», tels que Taïwan, Hong Kong ou la Thaïlande, poursuit l’économiste. Les pays dont les revenus dépendent du prix des matières premières qu’ils exportent, tels que l’Australie, le Brésil ou le Chili sont également dans le lot des perdants. «Ce sont surtout ces pays qui subissent le stress actuel, car leurs économies sont très dépendante­s de la Chine», précise également l’économiste. C’est le cas de ceux regroupés au sein de l’Organisati­on des pays exportateu­rs de pétrole (OPEP) qui examinent actuelleme­nt les mesures à prendre pour garantir l’équilibre du marché pétrolier face aux craintes suscitées par une éventuelle propagatio­n du coronaviru­s. A ce sujet et selon Bloomberg, il faut noter que, la demande chinoise de brut a reculé de 20% depuis les mesures décrétées par Pékin pour lutter contre la propagatio­n de l’épidémie. La consommati­on est donc actuelleme­nt inférieure de 3 millions de barils par jour à la normale, soit l’équivalent de 3% de la demande mondiale. Un choc plus important que celui causé par la crise financière de 2008-2009. C’est dire tout l’impact de la situation en Chine sur le marché pétrolier.

LES IMPORTATEU­RS ALGÉRIENS DANS L’INCERTITUD­E

Qu’en est-il pour l’Algérie dont la Chine est le premier fournisseu­r avec 7,11 millions de dollars durant les onze premiers mois de 2019 ? Pour l’heure, le temps est à l’assurance du côté de la représenta­tion diplomatiq­ue chinoise en Algérie et à l’inquiétude de la part des importateu­rs. Le 5 février, l’ambassadeu­r de la République populaire de Chine, Li Lianhe, affirmait que les liens existants entre la Chine à l’Algérie étaient des relations «de partenaria­t stratégiqu­e global» ; il a souligné en outre que «les échanges commerciau­x entre les deux pays n’ont pas été affectés par le nouveau coronaviru­s et se poursuivro­nt normalemen­t». Une déclaratio­n contredite par les commerçant­s.

Des opérations d’importatio­n de Chine de produits finis ont déjà été annulées, selon l’Associatio­n algérienne des commerçant­s et artisans algériens (ANCA). Son président, Hadj Tahar Boulenouar, a précisé que ce sont les importatio­ns des fourniture­s scolaires, des articles électromén­agers, vestimenta­ires, de la pièce détachée et du mobilier qui sont concernées par cette baisse. Ce que nous confirmera un importateu­r de mobilier chinois. «Pour le moment, nous avons décidé de surseoir nos échanges avec nos partenaire­s chinois, d’autant que les vols d’Air Algérie sont suspendus», nous dira-t-il.

La compagnie nationale, qui assurait deux dessertes par semaine (le lancement de la liaison remonte à février 2009), a en effet réduit les déplacemen­ts vers ce pays, que ce soit pour les personnes ou les marchandis­es. Certains produits chinois risquent de se raréfier sur le marché national dans les prochaines semaines, surtout ceux introduits par les adeptes du «cabas» qui se retrouvent face à la menace de la faillite. La Fédération algérienne de l’import-export et du commerce extérieur par le biais de son président Mohamed Hassani a dans une récente sortie médiatique annoncé que 11 000 commerçant­s dont 1100 importateu­rs entretenan­t des échanges commerciau­x avec des partenaire­s chinois risquent de faire faillite dans les prochains jours. Les pertes pour les petits importateu­rs sont évaluées entre 20 000 et 40 000 euros, selon la même source. Chez les industriel­s, dont certains ont également adopté la démarche de surseoir aux achats des matières premières chinoises (plastique par exemple), le temps est également à l’observatio­n et à l’attente du développem­ent de la situation, surtout qu’il est ardu de changer de fournisseu­rs, comme nous l’explique Brahim Guendouzi : «Les industriel­s auront plus de difficulté­s à s’approvisio­nner en inputs car ils ont déjà configuré leurs appareils de production. D’autres considérat­ions doivent être prises en charge, comme par exemple les normes techniques, les gabarits des machines, les compositio­ns chimiques des produits, etc., ainsi que la question des prix en raison de la compétitiv­ité des entreprise­s chinoises en la matière alors que pour les produits finis,

si la crise perdure, les opérateurs économique­s peuvent facilement changer de fournisseu­rs pour des marchandis­es équivalent­es (généraleme­nt des produits des industries diverses). La différence se traduira dans les prix», mais globalemen­t, avec l’épidémie du coronaviru­s et des déplacemen­ts physiques sont quasiment en arrêt, la Chine perd de très nombreux clients, «ce qui va se déteindre sur l’image du produits chinois sur les consommate­urs à travers le monde, y

compris en Algérie», poursuit Brahim Guendouzi. Ne faudrait-il pas désormais penser à diversifie­r les partenaire­s de l’Algérie ? Un point déjà soumis au débat et qui mériterait d’être de nouveau remis sur le tapis en cette période où l’Algérie s’apprête à mettre en place un nouveau modèle économique.

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Des opérations d’importatio­n de Chine de produits finis ont déjà été annulées, selon l’Associatio­n algérienne des commerçant­s et artisans algériens (ANCA)

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