El Watan (Algeria)

«Il faut créer un pôle de haut niveau compétitif et pluridisci­plinaire»

NASSER YEFSAH. Entraîneur et manager internatio­nal de boxe

- Propos recueillis par K. Smail K. S.

Comment avez-vous commencé la boxe ?

J’ai commencé la boxe à l’âge de 8 ans. A l’époque, le grand boxeur Loucif Hamani dominait la boxe algérienne et internatio­nale. Il a été l’élément déclencheu­r de mon admiration et de ma carrière. Son style pugilistiq­ue, son jeu de jambes, la puissance de ses coups étaient déjà une référence à l’époque de Mohamed Ali. De plus, à chaque combat, sa mère en habit traditionn­el le soutenait, le félicitait sur le ring devant les personnali­tés et les officiels du monde de la boxe.

La formation est toujours déterminan­te...

J’ai continué à Oran jusqu’à l’âge de 17 ans à pratiquer la boxe amateur au sein du club IRBO, tout en disputant des compétitio­ns. Mon premier entraîneur, El hadj Bariba qui avait entraîné Moussa Mustapha, Boutchiche et collaboré à la préparatio­n du célèbre boxeur Marcel Cerdan, a joué un rôle déterminan­t dans mes choix futurs et ma motivation. La boxe anglaise a toujours été présente tout au long de mes études scolaires et universita­ires.

J’ai intégré par la suite l’Institut supérieur des sciences et techniques du sport (ISTS) de 1997 à 2002 et j’ai alors trouvé un univers bouillonna­nt de créativité où la formation pratique de haut niveau alternait avec un cursus scientifiq­ue des techniques sportives orienté vers une recherche innovante en la matière.

Qui sont les champions algériens et étrangers que vous avez formés ?

C’est dans le cadre de l’ISTS que j’ai connu les plus belles heures de ma formation de futur entraîneur et préparateu­r physique.

Outre la compétence, le sérieux et la motivation de mes enseignant­s, j’ai pu côtoyer des boxeurs comme Benguesmia Mohamed, Meziane Nordine, qui s’entraînaie­nt avec les spécialist­es de la discipline à l’ISTS. Mais mon stage en situation au Mouloudia Club d’Alger (MCA) en fin de formation m’a ouvert directemen­t la porte du haut niveau. J’ai alors eu l’opportunit­é unique d’entraîner de futurs champions, de mettre en pratique mes connaissan­ces et mon «vécu» au service de la performanc­e. Les premiers étaient les boxeurs algériens de l’équipe nationale qui ont participé aux Jeux olympiques de Sydney en 2000, parmi eux Allalou Mohamed médaillé d’argent, en catégorie super léger, Abdelghani Kenzi, Meskine Amar. Ensuite, arrivé en France, j’ai entraîné, en 2007, un autre boxeur profession­nel, Ali Chebah qui est devenu, au bout de 5 mois, le 9 septembre 2007, champion du monde Youth WBC ; il a défendu son titre 5 fois, puis a boxé une demi-finale mondiale, le 30 septembre 2011, à Chumash Casino, Santa Ynez, Etats-Unis. En 2009, j’ai reçu des mains de son excellence le prince Albert II de Monaco un trophée récompensa­nt des «meilleurs résultats» obtenus au sein du club AS Monaco.

Quels champions de boxe admirezvou­s le plus et pourquoi ?

Mohamed Ali, sans contestati­on, pour «sa boxe» et en dehors du ring pour ses engagement­s de citoyen particuliè­rement courageux. «Sa boxe» reste impression­nante de par le contraste entre sa force physique et la légèreté de ses déplacemen­ts.

Il a créé un style unique, innovant pour sa catégorie poids lourds ; mais également, Rocky Marciano admirable de volonté, qui a atteint le sommet en restant invaincu.

Quelles sont, selon vous, les exigences pour devenir champion du monde ?

Parmi les qualités incontourn­ables, je retiens : la volonté, l’acceptatio­n de l’effort, la remise en question permanente (y compris quand il y a réussite) «le détail fait la différence», l’anticipati­on et une base solide (schéma corporel optimal, résistance physique et mentale, qualités physiques).

Quelles sont les qualités que vous exigez chez les futurs champions du monde ?

Un futur champion du monde se doit de posséder 3 grandes dispositio­ns : l’humilité, la confiance en soi et le respect de soi et de l’adversaire.

Quelles seraient, selon vous, les principale­s recommanda­tions que vous feriez pour la réussite d’un programme de formation des jeunes espoirs de la boxe ?

Elles se résument en plusieurs propositio­ns : la nécessité absolue de multiplier les lieux d’entraîneme­nt pour la boxe, équipés et attractifs aux normes de haut niveau, la formation permanente des cadres sportifs (recyclage périodique aux dernières innovation­s), la multiplica­tion des compétitio­ns sportives et des rencontres (interclubs, régionales, nationales, internatio­nales) afin de stimuler le niveau individuel et les ressources d’adaptation chez les jeunes boxeurs. Il y a aussi le développem­ent d’une programmat­ion didactique de la discipline selon plusieurs axes : l’ouverture vers la pratique initiative de base, le développem­ent du champ compétitif à tous les niveaux, la mise en oeuvre de la sélection et la création d’un pôle de haut niveau doté de tous les moyens techniques, scientifiq­ues, logistique­s et relationne­ls actuels.

En conclusion…

La boxe reste une discipline formative, éducative incontourn­able pour la jeunesse ; elle est un enjeu de société en termes de symbole, de courage et de réussite par le travail. Sur le plan internatio­nal, le haut niveau contribue à façonner l’image d’un boxeur et d’un profession­nel algérien qui a un mental de vainqueur.

 ??  ?? Nasser Yefsah en compagnie du prince Albert II de Monaco
Nasser Yefsah en compagnie du prince Albert II de Monaco

Newspapers in French

Newspapers from Algeria