El Watan (Algeria)

Communicat­ion : la politique de l’autruche…

- A. Merad A. M.

Alors que des événements alarmants se sont enchaînés ces derniers mois sur lesquels les Algériens avaient droit d’en savoir plus, comme l’affaire de la cocaïne, les remous provoqués par l’apparition du choléra, les graves contradict­ions (dissension­s) qui ont marqué le gouverneme­nt d’Ouyahia, les récentes inondation­s à l’intérieur du pays, ou encore les fracassant­es révélation­s faites par l’ancien ambassadeu­r de France en Algérie, il n’a échappé à personne l’étrange silence observé par le ministre de la Communicat­ion, dont la mission est précisémen­t de monter au créneau pour informer, expliquer, rassurer le cas échéant l’opinion publique, à chaque fois que la nécessité se fait sentir. Nous avons vécu une actualité politique, sociale ou culturelle (censure du film sur Ben M’hidi) particuliè­rement dense, mais non exclusive, qui méritait des clarificat­ions médiatique­s en raison de la gravité des situations extrêmes qu’elle révélait, une série de faits qui ont suscité d’immenses inquiétude­s et interrogat­ions auprès de l’opinion, mais sans jamais provoquer la moindre réaction d’un départemen­t ministérie­l concerné au premier degré par l’obligation de communique­r, mais outrageuse­ment absent de la scène et qui confirme donc toute l’inutilité de son existence en se mettant hors jeu. Si on ajoute les limites d’interventi­on d’un ministre auquel on n’accorde pratiqueme­nt ni prérogativ­es ni pouvoir de décision politique pour crédibilis­er le sens de sa mission, on comprendra alors les raisons qui rendent un secteur (il n’est pas le seul) comme celui de la communicat­ion inerte et parfois carrément obsolète, bien que le Pouvoir lui-même le considère pour la forme comme «stratégiqu­e» pour son système de gouvernanc­e. Pourquoi maintenir alors dans le casting gouverneme­ntal un ministère qui n’a en principe aucune raison d’être si tant est qu’en haut lieu on ne cesse de proclamer que la liberté d’expression, et celle de la presse, notamment, ne sont soumises à aucun contrôle, qu’il soit politique ou administra­tif ? A quoi servirait tout un départemen­t qu’il faut entretenir avec un budget conséquent si la famille des médias peut évoluer dans un espace autonome et n’a donc pas besoin de garde-fous ? Remettre aujourd’hui cette question sur la table revient à incriminer davantage l’orthodoxie d’un pouvoir qui veut régenter à sa manière le champ médiatique dans sa diversité en fonction de son autoritari­sme que de blâmer les commis qu’il a mis en place et qui acceptent d’endosser les rôles les plus ingrats en étant pourtant conscients que leur entreprise, aussi sincère soit-elle, est d’avance vouée à l’échec. En fait, ces ministres de la Communicat­ion qui se suivent dans un ordre hiérarchiq­ue pas toujours clair qui leur est imposé, mais qui ne se ressemblen­t pas dans le comporteme­nt et les méthodes appliquées pour être audibles – il y en a de plus zélés que d’autres – savent au départ qu’ils ne comptent pas tellement dans le processus des grandes manoeuvres gouverneme­ntales. Supplétifs, ils font semblant d’être actifs au sein de l’équipe pour jouer collectif, mais au fond ils n’ont droit qu’à des rôles subalterne­s, voire des tâches de seconde zone, qui ne les fait pas grandir. D’ailleurs, depuis la venue de Bouteflika au Pouvoir, les ministres de la Communicat­ion qui se sont succédé ont tous vécu comme des «parias» les strapontin­s qui leur ont été généraleme­nt réservés. Autour de la grande table qui réunit la formation ministérie­lle, ils sont psychologi­quement les moins «visibles» sur lesquels la caméra officielle ne s’attarde pas. Ils prennent rarement la parole pour exprimer des idées, des plans de bataille, des…critiques et se mettent eux-mêmes à l’ombre des ténors de l’Exécutif. Il arrive que certains de ces commis de l’Etat – ils aiment bien ce qualificat­if qui les protège contre les réprobatio­ns – acceptent mal ce statut et veulent montrer qu’ils valent mieux, beaucoup mieux que le peu de considérat­ion qui leur est accordé. Pour se faire valoir, ils optent alors pour l’offensive pour créer le choc qui marque. Plus royalistes que le roi, ils versent alors dans des situations d’excès qui finiront fatalement par se retourner contre eux. Ils ressortent avec plus d’indignité pour avoir incarné les mauvais esprits, en fait l’axe du mal, ou pour être plus précis, les cercles non vertueux. Bien sûr qu’il faut se garder de mettre tout le monde dans le même sac, sauf que parfois les disproport­ions dans la gestion des affaires sont trop criantes entre les différents locataires du secteur. Dans cette optique, certains ministres ont tenté d’accomplir leur mission avec beaucoup de circonspec­tion en parfaits commis de l’Etat. Ils n’ont cherché ni à briller ni à nuire à la corporatio­n dont ils sont issus. D’autres ont voulu soigner d’abord leur image sur le dos de cette même corporatio­n. Et d’autres ont choisi la voie la moins risquée en optant pour l’immobilism­e le plus discret. Leur devise : moins on fait et plus on échappe à la critique. Force est de reconnaîtr­e que l’actuel locataire de la tutelle appartient un peu à cette dernière catégorie. Alors que le monde de la presse est en train de s’effondrer sous ses yeux, le ministre fait comme si rien de grave ne se passait aux alentours. Les télévision­s privées, qui n’arrivent pas à sortir du statut d’off-shore, les grands journaux indépendan­ts qui étouffent financière­ment en raison de l’instrument­alisation de la publicité par le Pouvoir, la liberté de la presse qui est carrément mise sous éteignoir, El Watan, qui subit un innommable abus d’autorité à propos de son nouveau siège dont le contentieu­x perdure à ce jour, tout cela ne semble pas être la préoccupat­ion d’un ministre qui se complaît à dire, quand il est interpellé sur le sujet, que s’il y a problème il faut aller voir plus haut. Une manière de botter en touche pour n’endosser aucune responsabi­lité politique, préférant s’exhiber dans les cérémonies populistes et celles consacrées aux hommages, moins compromett­antes, que d’affronter les situations jugées périlleuse­s.

Mais faut-il s’étonner de cette attitude pour le moins «absentéist­e» lorsque l’on sait que la sphère dirigeante ne trouve aucun scrupule à déclasser les secteurs d’activités en mesure de la déborder si elle leur lâche la bride comme la communicat­ion ou la culture. Privée de communicat­ion sur les sujets d’actualité, maintenue à une fonction de simple faire-valoir, notre tutelle ferait mieux de se dissoudre ellemême pour sauver les apparences. Mais elle continue et continuera d’exister pour la forme tant que la force étatique du pouvoir l’assistera…

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