Mission impossible
A la télévision, les images ont toujours un sens. Un mois et demi après son allocution dans la pénombre d’un bureau élyséen, Emmanuel Macron est apparu flou sur les écrans des chaînes d’info hier matin. Flou dans l’objectif, le président de la République l’a également été aux yeux des « gilets jaunes » qui espéraient, sans y croire vraiment, des annonces concrètes susceptibles d’améliorer sans délai leur pouvoir d’achat. En prétendant traiter « en même temps » les problématiques liées à « la fin du monde » et aux « fins de mois », Emmanuel Macron a admis, en creux, l’extrême difficulté de sa tâche. Contraint de concilier l’inconciliable, de gérer à la fois l’urgence climatique et celle du porte-monnaie des Français, le président de la République a clairement dessiné les axes de la politique énergétique du pays en fixant des objectifs fermes et des échéances précises. Mais il n’a eu d’autre choix, pour répondre à la colère immédiate d’une France en souffrance, que de puiser dans les recettes de l’ancienne politique en choisissant de gagner du temps. Si lancer des débats dans les territoires en y associant les « gilets jaunes » procède d’une intention louable, il est permis de douter d’emblée de l’efficacité de cet exercice de démocratie participative qui déliera les langues de Calais à Menton. En trois mois de discussions, l’esprit de Noël aidant, le mouvement des «gilets jaunes» aura largement eu le temps de s’essouffler; ses représentants auront tout loisir de s’écharper afin de déterminer qui est le plus digne de porter la parole des indignés des ronds-points sur les chaînes d’info et dans les ministères. En raisonnant ainsi, le chef de l’Etat prend un risque calculé. Si la situation continue à se tendre, il pourra toujours faire monter en première ligne Edouard Philippe et ses ministres ou lâcher quelques mesurettes comme cette TIPP flottante exhumée des années Jospin. A jouer ainsi la montre, Emmanuel Macron s’expose aussi au danger de voir de plus en plus de gens céder au désenchantement, à l’image de ces % d’électeurs qui n’ont pas jugé bon d’aller voter à la législative partielle de l’Essonne dimanche. Des Français déçus de tout et de tous.
« En trois mois, l’esprit de Noël aidant, le mouvement aura eu le temps de s’essoufler. »